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MLV_1/MLV8
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE PREMIER
LE SOUVENIR
Près des ombrages où Vincenne 8
Voyait le plus saint de nos rois 8
Dicter ses pacifiques lois 8
Sous les ombrages d'un vieux chêne, 8
5 Il est un modeste hameau 8
Que j'habitai longtemps près d'elle, 8
Et que cette amante fidèle 8
Abandonna pour le tombeau. 8
Salut, verte colline, à mes yeux si connue ! 12
10 Salut, triste et longue avenue, 8
Que je traversais à grands pas 8
Lorsque de la cité prochaine 8
Je hâtais mon retour, pour recueillir, hélas ! 12
Les restes précieux d'une vie incertaine 12
15 Que me disputait le trépas ! 8
Voici la route détournée 8
Où de nos projets d'hyménée 8
Elle aimait à s'entretenir, 8
Et, déjà du sort condamnée, 8
20 Sur les bords du cercueil me parlait d'avenir. 12
Alors errait sur son visage 8
Un languissant sourire… et moi, 8
Voyant son calme avec effroi, 8
Avant l'heure d'hymen je pleurais mon veuvage. 12
25 Mais sur ce vert rocher qui s'élève à l'écart, 12
Entre le bois et la colline, 8
N'ai-je pas entendu la clochette argentine 12
De la chèvre errant au hasard ? 8
J'approche… O souvenir ! c'est elle 8
30 Qui, mêlant ses secours aux vains secours de l'art, 12
Dans un sein desséché répandait, mais trop tard, 12
Les doux trésors de sa mamelle. 8
Garde ton lait, chèvre fidèle, 8
Un jour, hélas ! ce jour peut-être n'est pas loin. 12
35 De tes bienfaits aussi ma vie aura besoin, 12
Et tu feras pour moi ce que tu fis pour elle. 12
Mais la nuit vient : déjà ses voiles étendus 12
Enveloppent les cieux plus sombres, 8
Et mon regard encor cherche à travers les ombres 12
40 Cette triste demeure, où l'on ne m'attend plus. 12
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