Métrique en Ligne
MLV_1/MLV58
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
POÉSIES LÉGÈRES
LES J'AI VU
DE LA PROMENADE DE LONGCHAMP
J'ai vu cette brillante fête, 8
Fête des grâces, des amours, 8
Que trois mois d'avance on apprête, 8
Et dont on s'occupe trois jours. 8
5 J'ai vu la beauté sous les armes, 8
Rassemblant tous ses traits vainqueurs, 8
Doubler le pouvoir de ses charmes 8
Pour venir assiéger les cœurs. 8
J'ai vu la toilette nouvelle, 8
10 Et d'honneur j'en suis enchanté : 8
Ces dames mettent tant de zèle 8
A retracer l'antiquité, 8
Qu'on les verra, si cela dure, 8
Quittant l'habit grec ou romain, 8
15 Reprendre la simple parure 8
De la mère du genre humain. 8
J'ai v u tour à tour d'autres belles, 8
Se livrant à des goûts nouveaux, 8
Oser, amazones nouvelles, 8
20 Caracoler sur des chevaux… 8
Comme tomber n'est pas descendre, 8
Belles, prenez garde aux faux pas : 8
Vous risquez… Vous devez m'entendre 8
Et Boufflers a su vous apprendre 8
25 Ce qu'il arrive en pareil cas. 8
J'ai vu la tournure grossière 8
Des parvenus en chars brillants. 8
Ces messieurs se tiennent dedans 8
De l'air dont on se tient derrière. 8
30 J'ai vu l'intrigant Dorival, 8
Qui faisait aujourd'hui figure, 8
Et demain vendra le cheval 8
Afin de payer la voiture. 8
J'ai vu campos ubi Troja 8
35 J'ai vu les ruines célèbres 8
Du temple où jadis ce jour-là 8
Les nonnettes chantaient ténèbres 8
Avec les filles d'Opéra. 8
J'ai vu la foule confondue 8
40 Revenir au déclin du jour, 8
Par la longue et sombre avenue 8
De ce bois planté par l'Amour, 8
Où, dit-on, à l'Hymen son frère 8
Le fripon joua plus d'un tour ; 8
45 Bois charmant où le doux mystère 8
Établit avec lui sa cour. 8
J'ai vu l'amant et son amie, 8
Dans leurs yeux portant le bonheur ; 8
Je les ai vus d'un œil d'envie, 8
50 Et me suis dit au fond du cœur : 8
Ah ! dans ces bois, aimable Laure, 8
Que ne puis-je avec toi rêver ! 8
Je ne voudrais m'y retrouver 8
Qu'afin de m'y reperdre encore. 8
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