Métrique en Ligne
MLV_1/MLV29
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
CHANTS ÉLÉGIAQUES
LA SULAMITE
« O vierges de Sion ! ô mes douces compagnes ! 12
Ne l'avez-vous pas vu descendre des montagnes, 12
Brillant comme un rayon de l'astre du matin ? 12
Dites-moi sur quel bord, vers quel sommet lointain 12
5 Ses chameaux vont paissant une herbe parfumée ? 12
Sont-ils sous les palmiers de la verte Idumée, 12
Ou sous le frais abri des rochers de Sanir ? 12
Mais, hélas ! si longtemps qui peut le retenir ? 12
Délices de mes jours ! loin de toi mon image 12
10 A-t-elle fui, pareille au mobile nuage ? 12
Ai-je cessé déjà d'être belle à tes yeux ? 12
Oh ! reviens : j'ai cueilli des fruits délicieux ; 12
Tout est pour toi. Reviens ; que ton bras me soutienne ; 12
Que ma main tendrement frémisse dans la tienne. 12
15 Versez des fleurs : je veux jusques à son retour 12
Reposer sur des fleurs, car je languis d'amour. 12
Non, non, n'espérez pas que longtemps je sommeille ; 12
Pour moi plus de repos : je dors, et mon cœur veille. 12
Mon œil appesanti, lentement soulevé, 12
20 A cherché mon amant et ne l'a point trouvé. » 12
Elle dit, et s'endort. Vers la plaine odorante, 12
Non moins prompt que le daim cherchant la biche errante, 12
Voilà que, l'œil ardent, accourt le bien-aimé ! 12
Son sourire est céleste et son souffle embaumé. 12
LE BIEN-AIMÉ
25 « Jeunes vierges ! au nom de la biche légère, 12
Laissez-la reposer sur la molle fougère. 12
Ne la réveillez pas ! sans doute en ce moment 12
Un songe heureux lui peint le retour de l'amant : 12
Son front rougit, son sein palpite… elle s'éveille. 12
30 Épouse de mon cœur ! de ta bouche vermeille 12
Ma bouche a quelque temps respiré la fraîcheur : 12
Que ton haleine est douce, épouse de mon cœur ! 12
Au voyageur, errant depuis l'aube naissante, 12
Moins douce est d'Engaddi la grappe jaunissante. 12
35 Ton corps souple est rival du jeune et beau palmier ; 12
Tes yeux voluptueux sont les yeux du ramier, 12
Et l'émail de tes dents est plus blanc que la laine 12
De l'agneau qu'a baigné la limpide fontaine. » 12
LA SULAMITE
« O plaisir ineffable ! ô pur ravissement ! 12
40 Que la voix de l'époux retentit doucement ! 12
Que sa parole aimable a d'empire et de charmes ! 12
Arrêtez-vous, mes pleurs ! Fuyez, sombres alarmes ! 12
Fuyez, épargnez-moi, souffle des aquilons ! 12
Je suis la fleur des champs et le lis des vallons. » 12
LE BIEN-AIMÉ
45 « Des autans orageux ne crains plus la furie, 12
Mon amante, ma sœur, ma colombe chérie ! 12
Tés regards et ta voix enivrent ton époux ; 12
Car ta voix est sonore et tes regards sont doux. » 12
LA SULAMITE
« Mon amant est pour moi l'ormeau de la colline.» 12
LE BIEN-AIMÉ
50 « Mon amante a l'éclat de la cité divine. 12
Comme un cèdre au-dessus de l'aride buisson, 12
Tu brilles au milieu des filles de Sion. » 12
LA SULAMITE
« Comme l'humble arbrisseau rentre dans la bruyère 12
Quand le pin .jusqu'aux cieux lève sa tète altière, 12
55 Les enfants d'Israël s'abaissent devant toi. 12
Tes rameaux caressants se sont penchés vers moi ; 12
J'ai dormi sous ton ombre, et ma lèvre amoureuse 12
A goûté de tes fruits la fraîcheur savoureuse. 12
Revenez, chants d'amour ! mes lugubres concerts 12
60 N'iront plus désormais attrister nos déserts. 12
O vierges de Sion ! ô mes douces compagnes ! 12
J'ai vu le bien-aimé descendre des montagnes. » 12
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