Métrique en Ligne
MLV_1/MLV28
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE SECOND
LE BUCHER DE LA LYRE
« A la fière Cléis tes chants ont pu déplaire ; 12
Elle a maudit tes chants, ô Lyre des amours ! 12
Il faut qu'un sacrifice apaise sa colère : 12
Tu dois périr ; adieu, Lyre, adieu pour toujours ! 12
5 » O nymphes des coteaux, Oréades légères, 12
Venez ; venez aussi, déités des forêts ! 12
Apportez les parfums des plantes bocagères, 12
Quelques lauriers, un myrte, et de jeunes cyprès, 12
» Les dieux aiment les fleurs qui parent la victime ; 12
10 Couronne-toi de fleurs une dernière fois, 12
Lyre ! au suprême instant que ta voix se ranime. » 12
Et la Lyre en ces mots fit entendre sa voix : 12
« Toi que j'ai consolé, songes-y bien, dit-elle, 12
Les dieux, les justes dieux punissent les ingrats. » 12
15 L'amour vit peu d'instants, la gloire est immortelle : 12
Quelque jour, mais en vain, tu me regretteras. 12
» A tes doigts répondaient mes cordes poétiques ; 12
Je m'éveillais pour toi dans le calme des nuits : 12
J'aurais fait plus encor ; sous les cyprès antiques, 12
20 L'Élégie en tes vers eût pleuré ses ennuis. 12
» Vers les bords du Mélès, pour toi du Méonide 12
J'eusse été recueillir quelque chant commencé, 12
Ou chercher à Céos du touchant Simonide 12
Les nobles vers, perdus dans la nuit du passé. 12
25 » J'ouvrirais à tes pas la grotte accoutumée 12
Où rêvait théocrite, où ses chants tous les soirs 12
Retentissaient, plus purs que l'huile parfumée 12
Dont l'or, dans Sicyone, inonde les pressoirs. 12
» Un jour je sommeillais dans les bois d'Aonie : 12
30 La Muse me toucha d'un magique rameau, 12
Et d'un mode inconnu m'enseigna l'harmonie ; 12
Mais j'emporte avec moi ses secrets au tombeau. » 12
Elle a cessé. Les feux, qu'allume le Zéphire, 12
A travers les parfums emportent ses adieux ; 12
35 Et toutefois, dit-on, des cendres de la Lyre 12
S'exhala jusqu'au soir un son mélodieux. 12
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