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MLV_1/MLV18
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE PREMIER
LE POËTE MOURANT
Le poëte chantait : de sa lampe fidèle 12
S'éteignaient par degrés les rayons pâlissants, 12
Et lui, près de mourir comme elle, 8
Exhalait ces tristes accents : 8
5 « La fleur de ma vie est fanée ; 8
Il fut rapide, mon destin ! 8
De mon orageuse journée 8
Le soir toucha presque au matin. 8
» Il est sur un lointain rivage 8
10 Un arbre où le Plaisir habile avec la Mort. 12
Sous ses rameaux trompeurs malheureux qui s'endort ! 12
Volupté des amours ! cet arbre est ton image. 12
Et moi, j'ai reposé sous le mortel ombrage ; 12
Voyageur imprudent, j'ai mérité mon sort. 12
15 » Brise-toi, lyre tant aimée ! 8
Tu ne survivras point à mon dernier sommeil ; 12
Et les hymnes sans renommée 8
Sous la tombe avec moi dormiront sans réveil. 12
Je ne paraîtrai pas devant le trône austère 12
20 Où la postérité, d'une inflexible voix, 12
Juge les gloires de la terre, 8
Comme l'Égypte, aux bords de son lac solitaire, 12
Jugeait les ombres de ses rois. 8
» Compagnons dispersés de mon triste voyage, 12
25 O mes amis ! ô vous qui me fûtes si chers ! 12
De mes chants imparfaits recueillez l'héritage, 12
Et sauvez de l'oubli quelques-uns de mes vers. 12
Et vous par qui je meurs, vous à qui je pardonne, 12
Femmes ! vos traits encore à mon œil incertain 12
30 S'offrent comme un rayon d'automne, 8
Ou comme un songe du malin. 8
Doux fantômes ! venez, mon ombre vous demande 12
Un dernier souvenir de douleur et d'amour : 12
Au pied de mon cyprès effeuillez pour offrande 12
35 Les roses qui vivent un jour. » 8
Le poëte chantait : quand la lyre fidèle 12
S'échappa tout à coup de sa débile main ; 12
Sa lampe mourut, et comme elle 8
Il s'éteignit le lendemain. 8
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