Métrique en Ligne
MLV_1/MLV15
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE PREMIER
LE DÉGUISEMENT
L'airain neuf fois a frappé l'heure : 8
Loin d'une indiscrète demeure, 8
Échappons-nous, seuls et sans bruit ; 8
Usant d'une innocente adresse, 8
5 Prends les voiles de la vieillesse 8
Pour tromper l'œil qui nous poursuit : 8
Telle on voit une main fidèle 8
Couvrir du chaume protecteur 8
La timide et pâle fraîcheur 8
10 De la tige aimable et nouvelle. 8
Défends à ces cheveux flottants 8
De trahir nos métamorphoses, 8
Et que l'hiver dise au printemps 8
De cacher ses lis et ses roses. 8
15 Retiens le tendre empressement 8
De ton pas qui se précipite, 8
Et chemine aussi lentement 8
Que ton ami quand il te quitte. 8
Sachons un moment contenir 8
20 Ce feu d'amour qui nous dévore : 8
Un moment, un moment encore, 8
Et l'imposture va finir. 8
Les baisers de la jeune Aurore 8
Ont vieilli l'amant qu'elle adore, 8
25 Et les miens vont te rajeunir. 8
Mais, à cette enivrante image, 8
Ton bras encor plus tendrement 8
Presse le mien : un doux nuage 8
S'abaisse sur ton œil charmant ; 8
30 Déjà ton âme s'abandonne 8
Au bonheur que tu dois goûter ; 8
Et l'antique voile s'étonne 8
De sentir un cœur palpiter. 8
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