Métrique en Ligne
MLV_1/MLV13
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE PREMIER
LES REGRETS D'UN INFIDÈLE
Oui, c'en est fait, Isore, un sentiment vainqueur 12
Triomphe du nœud qui nous lie ! 8
Pauvre Isore ! j'ai vu Délie : 8
Délie a tous mes vœux, Délie a tout mon cœur. 12
5 Et, tandis que la nuit obscure 8
Protége, loin de toi, nos muets entretiens ; 12
Tandis que ma bouche parjure 8
Appelle des baisers qui ne sont plus les tiens, 12
Aux tremblantes lueurs d'une lampe affaiblie 12
10 Tu relis le dernier serment 8
De l'infidèle qui t'oublie ; 8
Tu songes à l'amour, et tu n'as plus d'amant ! 12
Je suis déjà puni. Ta rivale a des charmes… 12
Eh bien ! ton souvenir est encor plus puissant. 12
15 Je te pleure en te trahissant : 8
La légère inconstance a donc aussi des larmes ! 12
Jamais, hélas ! oh ! non, jamais 8
L'orgueilleuse beauté que malgré moi j'adore 12
N'aimera comme tu m'aimais ; 8
20 Je le sais, et pourtant je le fuis, pauvre Isore ! 12
Ta confiance encore ajoute à mon malheur. 12
Parfois, sortant des bras de la rivale heureuse, 12
Fatigué des transports d'une nuit amoureuse, 12
Je t'aborde, l'air vague et le front sans couleur : 12
25 N'importe ! Loin de toi toute crainte est bannie ; 12
Tu ne soupçonnes pas l'infidèle insomnie 12
Qui sur mes traits changés imprime la pâleur ; 12
Seulement ta bouche m'accuse 8
De consumer ma vie au sein des longs travaux, 12
30 Et de consacrer à ma muse 8
L'heure où le doux sommeil balance ses pavots. 12
Je souris tristement à l'erreur qui t'abuse. 12
Mais lorsque tu me dis : « Je compte sur ta foi ; 12
Ne m'abandonne pas, je me confie à toi, » 12
35 Alors mon cœur succombe au trouble qui l'oppresse ; 12
Je sens l'aveu cruel s'échapper à moitié ; 12
Et toi, tu crois à ma tendresse, 8
Qui n'est plus que de la pitié. 8
Quand finira l'erreur dont tu jouis encore, 12
40 Combien de larmes vont couler ! 8
Je plaindrai tes douleurs. et, sans les consoler, 12
Je répéterai : « Pauvre Isore !… » 8
Périsse, périsse le jour 8
Où la fière Délie usurpa ton empire ! 12
45 Périssent ses attraits et son fatal sourire ! 12
Périsse même son amour ! 8
Qu'ai-je dit ? Peut-être Délie 8
Un jour d'Isore en pleurs vengera l'abandon : 12
Oublié comme je t'oublie, 8
50 Je viendrai, douce Isore, implorer un pardon ; 12
Mais en vain : le dieu qui console, 8
Le temps aura donné ton cœur 8
A quelque autre amant moins frivole, 8
Et plus digne de son bonheur. 8
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