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MLV_1/MLV1
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
ÉLÉGIES
LIVRE PREMIER
LA CHUTE DES FEUILLES
De la dépouille de nos bois 8
L'automne avait jonché la terre ; 8
Le bocage était sans mystère, 8
Le rossignol était sans voix. 8
5 Triste, et mourant à son aurore, 8
Un jeune malade, à pas lents, 8
Parcourait une fois encore 8
Le bois cher à ses premiers ans : 8
« Bois que j'aime, adieu, je succombe 8
10 Voire deuil a prédit mon sort, 8
Et dans chaque feuille qui tombe 8
Je lis un présage de mort. 8
Fatal oracle d'Épidaure, 8
Tu m'as dit : « Les feuilles des bois 8
15 » A tes yeux jauniront encore ; 8
» Et c'est pour la dernière fois. 8
» La nuit du trépas t'environne ; 8
» Plus pâle que la pâle automne, 8
» Tu t'inclines vers le tombeau. 8
20 » Ta jeunesse sera flétrie 8
» Avant l'herbe de la prairie, 8
» Avant le pampre du coteau. » 8
Et je meurs ! De sa froide haleine 8
Un vent funeste m'a touché, 8
25 Et mon hiver s'est approché 8
Quand mon printemps s'écoule à peine ! 8
Arbuste en un seul jour détruit, 8
Quelques fleurs faisaient ma parure, 8
Mais ma languissante verdure 8
30 Ne laisse après elle aucun fruit. 8
Tombe, tombe, feuille éphémère ! 8
Voile aux yeux ce triste chemin ; 8
Cache au désespoir de ma mère 8
La place où je serai demain. 8
35 Mais vers la solitaire allée 8
Si mon amante désolée 8
Venait pleurer quand le jour fuit, 8
Éveille par un léger bruit 8
Mon ombre un instant consolée. 8
40 Il dit, s'éloigne… et sans retour ! 8
La dernière feuille qui tombe 8
A signalé son dernier jour. 8
Sous le chêne on creusa sa tombe, 8
Mais son amante ne vint pas 8
45 Visiter la pierre isolée, 8
Et le pâtre de la vallée 8
Troubla seul du bruit do ses pas 8
Le silence du mausolée. 8
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