Métrique en Ligne
MIC_1/MIC18
Louise MICHEL
ŒUVRES POSTHUMES
1900-1910
AVANT LA COMMUNE
À MADAME MARIANNE MICHEL
Mère, pourquoi frémir quand je te dis mon rêve ? 12
Le pêcheur endormi voit en songe la grève ; 12
Moi, je vois je ne sais quel mirage lointain 12
Qui se mêle à l’aurore, à la nuit, au matin. 12
5 Je suis toute en orage, et rien ne m’inquiète. 12
Oh ! non, ne frémis pas : le laurier du poète 12
Est souvent un cyprès ; mais les cyprès sont beaux, 12
La vision rayonne à travers leurs rameaux. 12
Et puis rien n’y ferait, vois-tu, j’ai dans la tête, 12
10 Dans l’âme, dans le cœur, une immense tempête. 12
Te souviens-tu qu’enfant, j’entendis une voix, 12
M’appeler dans la nuit une première fois ? 12
Rêve de troubadour, qui voit passer dans l’ombre 12
Le mirage trompeur des visions sans nombre, 12
15 Peut-être ! Et, cependant, une seconde fois, 12
Ma croyance est ainsi, j’entendrai cette voix ! 12
Raffermis donc ton cœur, ô mère, je t’en prie ! 12
Qu’importe la fortune et qu’importe la vie 12
À celui dont l’amour est par delà les cieux, 12
20 Dans l’immense infini plein d’astres radieux. 12
Eh bien, oui, c’est folie à la pauvre âme humaine, 12
Luciole jetant sa lueur incertaine, 12
D’aimer les univers répandus dans l’espace, 12
Tandis que, sur la terre, à peine elle a sa place. 12
25 Mais elle est faite ainsi d’amour toujours avide, 12
Voulant l’éternité, dans sa course rapide. 12
Pourquoi pleurer quand, seul, à ce vaste infini, 12
Pourrait le disputer, mère, ton nom béni ? 12
logo du CRISCO logo de l'université