Métrique en Ligne
MAU_1/MAU14
Guy de MAUPASSANT
DES VERS
1868-1880
PROMENADE
À SEIZE ANS
La terre souriait au ciel bleu. L’herbe verte 12
De gouttes de rosée était encor couverte. 12
Tout chantait par le monde ainsi que dans mon cœur. 12
Caché dans un buisson, quelque merle moqueur 12
5 Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n’y songeais guère. 12
Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre 12
Du matin jusqu’au soir, je ne sais plus pourquoi. 12
Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi. 12
Je gravis une pente et m’assis sur la mousse 12
10 A ses pieds. Devant nous une colline rousse 12
Fuyait sous le soleil jusques à l’horizon. 12
Elle dit : « Voyez donc ce mont, et ce gazon 12
Jauni, cette ravine au voyageur rebelle ! » 12
Pour moi je ne vis rien, sinon qu’elle était belle. 12
15 Alors elle chanta. Combien j’aimais sa voix ! 12
Il fallut revenir et traverser le bois. 12
Un jeune orme tombé barrait toute la route ; 12
J’accourus ; je le tins en l’air comme une voûte 12
Et, le front couronné du dôme verdoyant, 12
20 La belle enfant passa sous l’arbre en souriant. 12
Émus de nous sentir côte à côte, et timides, 12
Nous regardions nos pieds et les herbes humides. 12
Les champs autour de nous étaient silencieux. 12
Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ; 12
25 Alors il me semblait (je me trompe peut-être) 12
Que dans nos jeunes cœurs nos regards faisaient naître 12
Beaucoup d’autres pensers, et qu’ils causaient tout bas 12
Bien mieux que nous, disant ce que nous n’osions pas. 12
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