Métrique en Ligne
MAL_2/MAL54
Stéphane MALLARMÉ
Vers de circonstance
1881-1898
DONS DE FRUITS GLACÉS
AU NOUVEL AN
I
Hier, voyez la ! demain 7
Du clavecin elle écoute 7
Chanter le bois surhumain 7
Et, songeuse, ne se doute 7
5 Qu'un fruit d'or tombe en sa main. 7
II
Ces vils fruits ne sont que mensonge 8
Pour un œil ravi d'épier 8
Tout l'éclatant jardin du songe 8
Qui mûrit sur votre papier. 8
III
A Augusta Holmes.
10 A courber le rameau superbe 8
Vers votre front au pur souci, 8
Vous laissâtes choir parmi l'herbe 8
Le fruit ramassé que voici. 8
IV
A la même.
O belle chanteuse, ces pommes 8
15 Que l'Aube aime à colorier, 8
Il faut, absurdes que nous sommes, 8
Pour vous les cueillir au laurier ! 8
V
Elle a beau faire la chouette 8
Et claquer de son bec d'enfant 8
20 Augusta sait qu'on lui souhaite 8
Ce qu'aux autres elle défend 8
VI
Sous un hiver qui neige, neige, 8
Rêvant d'Édens quand vous passez ! 8
Pourquoi, Madame Madier, n'ai-je 8
25 A donner que des fruits glacés… 8
VII
Sur l'An j'ouïs une alouette 8
Éparpiller comme un joyau 8
Des rires que je vous souhaite 8
Madame Madier de Montjau. 8
VIII
30 Avec mon souhait le plus tendre, 8
Comme il sied entre vieux amis, 8
Dans cette main qu'on aime à tendre 8
Je dépose le fruit permis. 8
IX
Malgré la neige qui me fouette 8
35 Le front, comme aux temps les plus beaux 8
Je viens en ami qui souhaite, 8
Chère Madame Seignobos 8
X
Vite renoncez l'Ardèche 7
Autrefois qui nous fit siens 7
40 Le cher vent, la branche sèche 7
Pour les fruits parisiens. 7
XI
A une dame polonaise, femme d'un médecin.
Le médicament le meilleur 8
Qu'un «oïczé »* puisse prescrire 8
A mes yeux las de vieux veilleur 8
45 Est de revoir votre sourire. 8
Père, en polonais.
XII
L'an nouveau qui vous caressa 8
Toujours la même sans rature 8
Apporte aussi ce fruit et sa 8
Monotone littérature. 8
XIII
50 Si par un regard de fée haute 8
Ou lasse seul voilà mangés 8
Mes fruits constants, c est votre faute 8
A vous qui non plus ne changez. 8
XIV
Ces vers qui se ressembleront ! 8
55 Prêtez leur la voix spontanée 8
De dire, moins que votre front, 8
Le mensonge de toute année. 8
XV
Ce papier, comme si Dauphin 8
Y piquait mainte tache noire ! 8
60 Pour vous, témoin discret et fin, 8
Cache le fruit couleur de gloire. 8
XVI
Je ne crois pas qu'une brouette 8
D'espoirs, de vœux, de fleurs enfin 8
Verse à vos pieds ce que souhaite 8
65 Notre cœur. Madame Dauphin. 8
XVII
Ces fruits ! Aimez que je les cueille 8
Désignés par votre doigt fin 8
Comme ceux dont la verte feuille 8
Sied au front sacré de Dauphin. 8
XVIII
70 Ce même fruit d'aucun automne 8
Il porte à Madame Dauphin 8
Encore notre monotone 8
Souhait et ce n'est pas la fin. 8
XIX
Loin d'aucuns palmiers ou du cierge 8
75 Que l'aloës érige fin 8
Ce fruit tombe chez la concierge 8
Des houris et dames Dauphin. 8
XX
Ce bon Dauphin ne s'embarrasse 8
Deux peignent
une chante mais
80 La maman partage la grâce 8
A table comme un entremets. 8
XXI
Trois sœurs, chacune se dispute 8
A son tour que vous la baisiez, 8
Votre rire est la même flûte 8
85 Que jadis venant de Béziers. 8
XXII
Je regrette les quatre ensemble 8
La maman subtile à ranger 8
Son trio dont elle est l'exemple 8
Non loin de la fleur d'oranger. 8
XXIII
90 Le piano tendra son aile 8
Suave d'ample séraphin 8
Que chaque fille maternelle 8
Y berce Madame Dauphin. 8
XXIV
Berger de deux seules ouailles 8
95 Dauphin, ramasse pour leurs jeux 8
Souriant partout que tu ailles 8
Ces fruits sur le givre outrageux. 8
XXV
Avec ta queue en girouette, 8
Léo*, pendant que tu t'assois, 8
100 Dis les choses que je souhaite 8
De loin à Madame François. 8
Léo, chien de Madame François.
XXVI
A celles dont il se moquait 8
Quand il s'évada pour être ange 8
Le défunt petit perroquet 8
105 Jette de là-haut cette orange. 8
XXVII
Les seuls fruits d'or sont où vous êtes 8
N'allez pas vous enfuir demain 8
Et le ciel reprendra ses fêtes 8
Sur un geste de votre main. 8
XXVIII
110 Grâce aux fruits humble stratagème, 8
Amie on peut nous envier 8
Un souhait proféré le même 8
Depuis tant de premiers Janvier. 8
XXIX
Que ce fruit toute la Provence 8
115 A Paris goûté par Gina 8
Lui semble quelque redevance 8
Au beau ciel qui l'imagina. 8
XXX
Ce fruit à quelque arbre confit 8
Cueilli par un sylphe ou tout comme 8
120 Exprime les souhaits qu'on fit 8
Pour vous rue ici près de Rome. 8
XXXI
Votre jardin, Mai me l'apprit 8
Et malgré que la brume y traîne, 8
J'aime les retours en esprit 8
125 A Bourg dont vous êtes la Reine. 8
XXXII
A Paule Gobillard.
Tors et gris comme apparaîtrait 8
Miré parmi la source un saule 8
Je tremble un peu de mon portrait 8
Avec Mademoiselle Paule. 8
XXXIII
130 N'allez pas, en le fuyant, Paule 8
Même par vagabonde humeur 8
Tourner une jolie épaule 8
Au vieil hommage du rimeur. 8
XXXIV
Notre demoiselle Patronne* 8
135 Le regard limpide et rieur 8
Verse dans ce qui l'environne 8
Son charmant être intérieur. 8
L'aînée de trois jeunes filles.
XXXV
Julie avec un front neigeux 8
Enfant porte la double étoile 8
140 Elle qui délaisse en ses jeux 8
Le violon pour une toile. 8
XXXVI
Fuir la banquise et l'avalanche 8
Julie ou les froids imprudents 8
Il suffit pour demeurer blanche 8
145 De votre candeur au dedans. 8
XXXVII
Le noble berger qu'on attend 8
Louera Julie en fin de compte 8
De ne s'informer s'il a tant 8
Ou même les perles de Comte. 8
XXXVIII
150 Mademoiselle Jeannie est 8
Avant même que j'ose écrire 8
Celle-là qui me rend niais 8
Par le silence de son rire. 8
XXXIX
Sur le chignon blond de Jeannie 8
155 Un diamant scintille à nos 8
Regards quand avec le génie 8
Elle dompte les pianos. 8
XL
Comme elle casqué de lumière 8
Quand viendra l'Archer pour Jeanny 8
160 Des trois je la sais la première 8
A ne pas répondre nenni. 8
XLI
Se souvenir désaltère 7
Comme un fruit tard enfermant 7
L'émoi de notre parterre 7
165 Avec Madame Normant. 7
XLII
Soyez la Prieure obéie 8
Dans ce gré charmant que plusieurs 8
Vous érigent une abbaye 8
De leurs élans intérieurs. 8
XLIII
170 L'hiver qui brille aux châtaigniers 8
Sème les marrons froids s'il vente 8
Sans que vous-même n'éteigniez 8
Les feux de l'Amitié fervente. 8
XLIV
Mieux vaudrait ne pas écrire 7
175 Sur des bonbons vils qu'on sert 7
A celle-là dont le rire 7
Franc est lui seul un concert. 7
XLV
Succède-nous improvise 7
Congrûment Monsieur Tintin 7
180 A ces bonbons leur devise 7
Autre rimeur galantin. 7
XLVI
Mil huit cent quatre vingt neuf 7
Ne saurait sans un blasphème 7
Exprimer de souhait neuf 7
185 A vous, Madame, la même. 7
XLVII
Qu'une année au léger vol 7
Comme étrennes, apparie 7
Repos ou santé pour Paul 7
Et le rire de Marie. 7
XLVIII
190 Le souci qui toujours varie 8
L'an nouveau saura l'apaiser 8
Si Claire aux deux fronts de Marie 8
Et de Paul met son clair baiser. 8
XLIV
L'hiver
vous bravez la neige
195 Glace les fruits imprudents 7
Que contre elle ne protège 7
Pas une flamme au dedans. 7
L
Mûris en azur barbaresque 8
L'envoi n'est pas ce que je veux 8
200 Acceptez des fruits couleur presque 8
De la gloire et de vos cheveux. 8
LI
Vanité le verger qui dore 8
Tel fruit ou le glace aux hivers 8
L'heureux Rodenbach sait enclore 8
205 Sa vie entre vous et des vers. 8
LII
Touchez à l'heure poursuivie 8
Fructidor avec Messidor 8
Où Qui fut constante à la vie 8
En devine choir les fruits d'or. 8
LIII
Le Temps
210 nous y succombons
Sans l'amitié pour revivre 7
Ne glace que ces bonbons 7
A son plumage de givre. 7
LIV
Aujourd'hui l'amitié triche 7
215 Comme un crabe nous voulons 7
Que cet An de la bourriche 7
Pour vous sorte à reculons. 7
LV
Paris qu'un jugement décore 8
Présenterait sur le chemin 8
220 Vers vous belle et plus simple encore 8
Une pomme de chaque main. 8
LVI
Comme un délicieux effet 8
Ou, je dirai plus, en échange 8
Du soleil que votre cœur fait 8
225 Considérez la fauve orange. 8
LVII
Un an qui succède à l'autre 7
Toujours nous tend
pensez-y
Ce fruit par le froid saisi 7
Comme mon cœur ni le vôtre. 7
LVIII
230 N'allez si vers la main pend 7
Quelque fruit pour un partage 7
L'offrir vous interrompant 7
Édouard ceint le seul feuillage. 7
LIX
Un parisien compliment 8
235 Dans ces oranges on insère 8
A vous ici tout uniment 8
Redevenus des fruits de serre. 8
LX
Sur un rameau vers vous incliné par Marie 12
Pas plus que l'amitié ce fruit d'or ne varie. 12
LXI
240 Toute gracieuseté qu'on fit 9
Se change l'hiver en fruit confit. 9
logo du CRISCO logo de l'université