Métrique en Ligne
MAC_2/MAC40
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
L’ÉLECTEUR EMBARRASSÉ
Air : Bureau de placement.
Près de la porte Saint-Martin, 8
Passant la veille du scrutin, 8
J’vis un homm’ qui collait à plat 8
L’affich’ d’un candidat ! 6
5 Je m’approche, en disant comm’ça : 8
Les candidats, ma foi, j’m’en fiche, 8
Mais’y a du bon sur cette affiche, 8
Votons pour ce citoyen-là ! 8
Un autre homme arrive soudain, 8
10 Un grand pot de colle à la main, 8
Sur le mur, il coll’ tranquill'ment 8
Un nouveau boniment ! 6
Je lis le morceau tout entier, 8
Pas fâché d’êt’ fixé tout d’même, 8
15 Je m’dis : Votons pour le deuxième, 8
Il promet plus d’chos’ que l’premier ! 8
Un autre homme arrive à grands pas 8
Avec un tas d'papiers sous l’bras ; 8
Sur le mur il coll’ tranquill'ment 8
20 Un nouveau boniment ! 6
Je lis la chose tout du long, 8
Pas fâché d’êt’ fixé tout d’même : 8
Votons plutôt pour le troisième, 8
Il en promet plus que l’second. 8
25 Le colleur s’enfuit tout à coup, 8
Un autre s’amène à pas d’loup ; 8
Sur le mur il coll’ rapid’ment 8
Un nouveau boniment ! 6
Intrigué, je m’approche encor. 8
30 Je lis l’affiche, et j’dis : Tout d'même 8
Faut voter pour le quatrième, 8
C’est un homm’ qu’est joliment fort ! 8
Pendant qu’j’étais là l’nez en l’air, 8
Un homme accourt comme l’éclair, 8
35 Sur le mur il coll’ proprement 8
Encor un boniment. 6
Allons, me dis-je entre mes dents, 8
Je donn’rai ma voix au cinquième, 8
Vraiment celui-là c’est la crème, 8
40 Il enfonc’ tous les précédents ! 8
Une troupe arrive à ces mots 8
Avec des échell’ et des pots, 8
Sur le mur ils coll’ tranquill’ment 8
Chacun un boniment ! 6
45 Et tout ça disait : « Électeurs, 8
On vous blagu’ sous tout'les formes ; 8
Y a qu’moi qui f’rai des réformes, 8
Les autres sont tous des menteurs ! » 8
Partout où plongent mes regards 8
50 On colle de nouveaux placards, 8
Où, sans façon, les candidats 8
Se traitent de goujats. 6
Pour sûr, entre eux, ils vont s’manger, 8
Pensai-je, en reprenant ma route ; 8
55 Tout’ ces affich’là, ça m’dégoûte, 8
J’vot’rai pour le brav’ Boulanger ! 8
Le lend’main matin, pour finir, 8
Ne sachant plus à quoi m’en t’nir, 8
De peur de m’laisser monter l’coup. 8
60 J’ai pas voté du tout ! 6
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