Métrique en Ligne
MAC_2/MAC39
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
MARCHE DES SCOLAIRES
Air : Il était une fois quatr’ hommes.
Il était un’ fois quat’ mioches 7
Conduits par un caporal. 7
C’était l’bataillon sans r’proches 7
Des scolaires d'Bougival. 7
5 L’un mangeait du pain d’épice, 7
Le deuxièm’du chocolat, 7
L’troisièm' suçait du réglisse 7
Et l'quatrièm’ son p’tit doigt. 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
10 Je m’disais en voyant ça : 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
15 Soudain la troupe héroïque 7
Voit un bout d'cigare éteint 7
Qui gisait, mélancolique, 7
Abandonné du destin. 7
Tous quatre avec frénésie 7
20 Tomb’ dessus comm’ des vautours. 7
L’premier dit : « Pas d'jalousie, 7
On l’fum’ra chacun son tour. » 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
Je m’disais en voyant ça : 7
25 Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
Tout en faisant d’la fumée. 7
30 Ils entrent chez l’mastroquet, 7
L’deuxièm’ dit : « C’est ma tournée, 7
Moi j’m’enfile un perroquet ! » 7
« Patron, servez-nous du raide, » 7
Fait l’troisième, un p’tit pâlot ; 7
35 L'quatrièm’ dit : « J’intercède 7
Pour un verr’ de picolo ! » 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
Je m’disais en voyant ça : 7
Oh ! la ! la ! 3
40 Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
Les voilà près d’la boutique 7
Au grand épicier du coin, 7
45 Qui faisait d’la politique 7
À cent pas d’son magasin. 7
Tout à coup l’premier s’écrie, 7
En montrant un grand baquet : 7
« C’est d’la mélass’, je l’parie, 7
50 Mince c’qu’on va s’en flanquer ! » 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
Je m’disais en voyant ça : 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
55 Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
Saisissant l’moment propice, 7
Ils font semblant d’se cogner 7
Pour fair’ sauver la police 7
60 Qui commence à les lorgner. 7
Le plus grand, l’ivress’ dans l’âme, 7
Plong’ son sabre dans l’tonneau, 7
Y en a deux qui suc’ la lame 7
Et deux qui suc’ le fourreau. 7
65 Et moi, les mains dans mes poches, 7
Je m’disais en voyant ça : 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
70 Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
« Sapristi, j’ai la colique, 7
Fait l'quatrièm’ tout d’un coup ; 7
Faut qu’on s’soit trompé d’barrique, 7
C’était pas sucré du tout ! » 7
75 « Et moi j’ai l’feu dans la tête, 7
J’crois qu’c’était du savon noir ; 7
Faut-il qu'l’épicier soit bête, 7
Nous allons mourir ce soir ! » 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
80 Je m’disais en voyant ça : 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
85 Vint à passer Déroulède, 7
Il aperçut les gamins 7
Qui criaient tous quatre : « À l’aide ! » 7
En s’tordant l’ventre à plein’ mains. 7
D’un geste patriotique 7
90 Les réchauffant sur son cœur, 7
Il dit : « Viv’ la République, 7
J’ai sauvé quatr’ z’électeurs ! » 7
Et moi, les mains dans mes poches, 7
Je m’disais en voyant ça : 7
95 Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches ! 7
Oh ! la ! la ! 3
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là ! 7
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