Métrique en Ligne
MAC_2/MAC38
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
LE GÉNÉRAL
SOUVENIR DU POPULO
Air : Parlez-nous de lui, grand’mère.
Devant la photographie 7
D’un militaire à cheval, 7
En habit de général, 7
Songeait une femme attendrie. 8
5 Ses quatre petits enfants 7
Disaient : Quel est donc cet homme ? 7
Mes fils, ce fut dans le temps, 7
Un brave général comme 7
On n’en voit plus aujourd’hui. 7
10 Son image m’est bien chère, 7
M’est bien chère ! 4
« Parlez-nous de lui, grand’mère, 7
Parlez-nous de lui ! » 5
Il me souvient de sa gloire, 7
15 Car, partout où l’on entrait, 7
Était cloué son portrait. 7
Les chansons disaient son histoire. 8
Il était sur les journaux, 7
Dans les pièces d’artifice, 7
20 Aux quatre points cardinaux. 7
Je l’avais en pain d’épice… 7
Mais où donc l’ai-je rangé ? 7
Il n’est plus sur l’étagère, 7
Sur l’étagère !… 4
25 « Nous l’avons mangé, grand’mère, 7
Nous l’avons mangé ! » 5
De l’armée, il fut le père, 7
Donnant à chaque repas 7
Bonne morue aux soldats. 7
30 Ça rendit leur mine prospère. 8
C’est lui qui des trois couleurs 7
Orna les guérites blanches, 7
On eût dit de loin des fleurs 7
Et ce n’était que des planches ! 7
35 Mais depuis qu’il n’est plus là 7
Tout noircit sous la poussière, 7
Sous la poussière… 4
« On les repeindra, grand’mère, 7
On les repeindra. » 5
40 Quand on brisa son épée, 7
Je disais : « Il reviendra 7
Lorsque le tambour battra ! » 7
Mais comme je m’étais trompée ! 8
Dès ce jour, ô désespoir, 7
45 On ne vit plus dans la plaine 7
Galoper son cheval noir. 7
Si profonde fut ma peine 7
Que ma tête s’égara. 7
Et depuis je désespère, 7
50 Je désespère… 4
« Dieu vous le rendra, grand’mère, 7
Dieu vous le rendra. » 5
Un soir, oh ! je l’ai vu presque, 7
À la gare de Lyon. 7
55 Il a passé comme un lion. 7
Ce fut un tableau gigantesque : 8
Chacun courait se coucher 7
Devant la locomotive. 7
Moi je voulais le toucher 7
60 (J’étais plus morte que vive), 7
Mais Paulus m’en empêcha ; 7
Il me mit bien en colère, 7
Bien en colère !… 4
« Paulus était là, grand’mère, 7
65 Paulus était là ! » 5
Un matin, dans notre rue, 7
Avec Laguerre il passa. 7
On se pressait pour voir ça. 7
J’étais aussi dans la cohue. 8
70 Oh ! voir ses bottes de cuir, 7
Oh ! contempler sa moustache, 7
Sa barbe blonde… et mourir ! 7
On se bouscule, on se fâche 7
Et je laisse sous les coups 7
75 Quatre dents, mais j’en suis fière, 7
Oui, j’en suis fière… 4
« Quel beau jour pour vous, grand’mère, 7
Quel beau jour pour vous ! » 5
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