Métrique en Ligne
MAC_2/MAC25
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
COMPLAINTE
DU BIENHEUREUX LABRE
Un jour le bienheureux Labre 7
Se promenait au soleil. 7
Il s’assit dessous un arbre 7
Pour se livrer au sommeil. 7
5 Vint à passer un pauvre homme 7
Tout nu, qui tremblait de froid, 7
En faisant des gestes comme 7
Un ministre sans emploi. 7
Ah ! pauvre homme, je devine 7
10 Pourquoi tu trembles si fort. 7
Prends pour couvrir ton échine 7
Ma ch’mise en toile d’Oxford. 7
Voilà quinze ans que j’la traîne 7
Jour et nuit par tous les temps. 7
15 Que Dieu sous sa garde prenne 7
Les puces qui sont dedans ! 7
Quand le pauvre eut mis la ch’mise 7
Il tremblait toujours autant ! 7
Maint’nant faut contre la bise 7
20 Garantir ton bienséant. 7
Ami, voilà ma culotte, 7
Garde-la comme un trésor, 7
C’est la premier’ fois que j’l’ôte 7
Depuis mon tirage au sort ! 7
25 Quand il eut couvert son torse, 7
Le pauvre tremblait encor ! 7
Mais sous une rude écorce 7
Le saint cachait un cœur d’or. 7
Tiens, dit-il, dans ces chaussettes 7
30 Mets tes pieds avec respect, 7
C’est celles des grandes fêtes, 7
J’ai fait l’tour du monde avec. 7
Quand il eut mis les chaussettes. 7
Le pauvre tremblait encor. 7
35 Ami, couvre-toi la tête 7
De ce modeste castor, 7
Garde-toi de mettre en gage 7
Ce souvenir précieux, 7
Car c’est l’unique héritage 7
40 Que m’aient laissé mes aïeux ! 7
Quand il eut coiffé le feutre 7
Le pauvre tremblait encor. 7
Ah ! dit l’saint, quoi donc lui feutre, 7
Pour l’arracher à la mort ? 7
45 Dis-moi, quelle est ta souffrance, 7
Pourquoi que tu trembl’ ainsi ? 7
— C’est que depuis ma naissance 7
J’ai la danse de Saint-Guy ! 7
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