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MAC_2/MAC24
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
LE BANQUET DES MAIRES
Enfant gâté de mon canton, 8
Depuis quatorze ans je suis maire, 8
Bien que je me flatte, dit-on, 8
D’être un peu réactionnaire. 8
5 Un beau matin monsieur Floquet 8
Me dépêche une circulaire. 8
Il me convie au grand banquet 8
Que nous offre le Ministère ! 8
« Je t’en prie, Hector, n’y va pas. 8
10 Me disait en pleurant ma femme ; 8
Ils ont inventé ce repas 8
Pour se faire de la réclame ! » 8
Mais je lui répondis : « Tais-toi, 8
Joséphine, c’est mon affaire, 8
15 Je ne suis pas fâché, ma foi, 8
De voir de près ce Ministère ! 8
Je pars la veille du grand jour 8
Suivi de toute la fanfare, 8
Les pompiers viennent à leur tour, 8
20 M’accompagner jusqu’à la gare. 8
Mille gamins poussent des cris ; 8
Faut-il que je sois populaire ! 8
Le voyage est à moitié prix ; 8
Un bon point pour le Ministère ! 8
25 Nous étions quatre mille et plus 8
Entassés dans la grande salle. 8
Un vrai festin de Lucullus ! 8
À sa place chacun s’installe. 8
Un grand laquais d’un air narquois 8
30 Sans cesse me remplit mon verre ; 8
C’est du bordeaux de premier choix, 8
Ne blaguons plus le Ministère. 8
« Monsieur, murmure près de moi 8
Un maire habitant des montagnes, 8
35 Vraiment je ne sais pas pourquoi 8
Ça va si mal dans nos campagnes ! » 8
— Oui, m’écriai-je tout à coup, 8
Chez nous non plus ça ne va guère ! 8
En attendant buvons un coup 8
40 À la santé du Ministère ! » 8
On n’entendait plus d’autre bruit 8
Que le craquement des mâchoires ; 8
Floquet n’avait pas d’appétit, 8
Mais il calculait ses victoires ! 8
45 Vrai Dieu ! sommes-nous bien traités ! 8
On nous prend par la bonne chère. 8
Passez-moi les petits pâtés, 8
Vive à jamais le Ministère ! 8
Neuf heures ! il faut s’en aller, 8
50 Tant pis, car la cuisine est bonne. 8
Je sens mes jambes flageoler, 8
À mes voisins je me cramponne ! 8
Cahin, caha, chacun partait, 8
Trébuchant et roulant par terre : 8
55 Braves gens ! murmurait Floquet. 8
Ils soutiendront le Ministère ! 8
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