Métrique en Ligne
MAC_2/MAC22
Maurice MAC-NAB
Poèmes incongrus
1891
LE PENDU
Un garçon venait de se pendre 8
Dans la forêt de Saint-Germain, 8
Pour une fillette au cœur tendre 8
Dont on lui refusait la main. 8
5 Un passant, le cœur plein d’alarmes, 8
En voyant qu’il soufflait encor, 8
Dit : « Allons chercher les gendarmes, 8
Peut-être bien qu’il n’est pas mort ! » 8
Le gendarme, sans perdre haleine, 8
10 Enfourche son grand cheval blanc. 8
Arrivé chez le capitaine, 8
Il conte la chose en tremblant : 8
« Un jeune homme vient de se pendre ; 8
À son âge, quel triste sort ! 8
15 Faut-il qu’on aille le dépendre, 8
Peut-être bien qu’il n’est pas mort ? » 8
L’officier, frisant sa moustache, 8
Se redresse et répond soudain : 8
« Vraiment c’est une noble tâche 8
20 Que de soulager son prochain ; 8
Cependant je n’y puis rien faire, 8
Ça n’est pas de notre ressort. 8
Courez donc chez le commissaire, 8
Le pendu vit peut-être encore ! » 8
25 Le commissaire sur la place 8
Se rendit, c’était son devoir. 8
D’un coup d’œil embrassant l’espace, 8
Il cria de tout son pouvoir : 8
« Un jeune homme vient de se pendre, 8
30 Accourons avec du renfort. 8
Emportons de quoi le dépendre, 8
Peut-être bien qu’il n’est pas mort ! » 8
Vers le bois on accourt en troupe. 8
On arrive en soufflant un peu. 8
35 On saisit la corde, on la coupe, 8
Le cadavre était déjà bleu. 8
Sur l’herbe foulée on le couche. 8
Un vieux s’approche et dit : « D’abord, 8
Soufflez-lui de l’air dans la bouche, 8
40 C’est pas possible qu’il soit mort ! » 8
Les amis pensaient : « Est-ce drôle 8
De se faire périr ainsi ! » 8
La fillette, comme une folle, 8
Criait : « Je veux me pendre aussi ! » 8
45 Mais les parents, miséricorde, 8
Murmuraient en pleurant bien fort : 8
« Partageons-nous toujours la corde, 8
Elle est à nous, puisqu’il est mort ! » 8
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