Métrique en Ligne
LSR_1/LSR96
Daniel LESUEUR
(Jeanne LOISEAU)
POÉSIES
1986
PAROLES D'AMOUR
A MES VERS
Laissez-moi vous bénir, douces rimes fidèles, 12
Puisque vos sons, légers comme un battement d'ailes, 12
Quelquefois l'ont charmé. 6
Laissez-moi vous bénir, ô mes vers, frais calices, 12
5 Puisque mon bien-aimé respire avec délices 12
Votre souffle embaumé ! 6
Vous l'avez consolé sur la rive lointaine. 12
Sans le quitter jamais dans sa route incertaine, 12
Vous chantiez sur son cœur. 6
10 Un peu de moi par vous vivait sur sa poitrine ; 12
Il sentait naître en lui l'espérance divine 12
A votre accent vainqueur. 6
Le soir, il s'asseyait, lassé, pour vous relire ; 12
La farouche forêt, vibrant comme une lyre, 12
15 Tout à coup se taisait. 6
Il n'entendait que vous dans l'immense nature, 12
Et le pesant souci de sa rude aventure 12
Un instant s'apaisait. 6
Vous portiez devant lui dans l'ombre et dans l'espace, 12
20 Afin de diriger ce voyageur qui passe, 12
L'amour, brillant fanal ; 6
L'affreux péril en vain posait sur lui ses ongles, 12
Votre vive lueur éteignait dans les jungles 12
L'œil du tigre royal. 6
25 Il vous a répétés à l'écho des vieux temples, 12
Aux portiques déserts, montrant, mornes exemples, 12
Notre fragilité : 6
L'homme meurt, et ses dieux, que le temps brise et roule ; 12
L'autel, étant de marbre, un peu plus tard s'écroule 12
30 Que la divinité. 6
Vous partagiez ainsi ses profondes pensées. 12
Vous lui devez la vie, ô strophes cadencées, 12
Il vous fit naître en moi. 6
Vous procédez de lui : moi qui suis votre mère, 12
35 Je ne vous ai donné que la grâce éphémère, 12
Lui, la force et la foi. 6
Partez pour l'enchanter, fruits d'un hymen sublime. 12
Votre naissance est haute, et pure, et légitime : 12
Qu'il soit donc fier de vous ! 6
40 Vous êtes siens. Sans lui, vous dormiriez encore, 12
Germes obscurs marqués pour ne jamais éclore, 12
Dans le néant jaloux. 6
Souvent je sens en moi son esprit qui s'éveille ; 12
Alors il faut écrire et prolonger la veille, 12
45 Et vous naissez, mes vers. 6
J'aime ce doux travail qui me tient accoudée : 12
Enfermer en tremblant l'essor de son idée 12
Dans mes rythmes divers. 6
Et s'il la reconnaît, pour peu qu'il lui sourie, 12
50 Si, puissante, elle vit sous la strophe fleurie, 12
Quel triomphe charmant ! 6
Lorsque aussi pleinement deux êtres se possèdent, 12
Il n'est point sous le ciel de bonheurs qui ne cèdent 12
A leur enivrement. 6
55 Laissez-moi vous bénir, douces rimes fidèles, 12
Puisque vos sons, légers comme un battement d'ailes, 12
Quelquefois l'ont charmé. 6
Laissez-moi vous bénir, ô mes vers, frais calices, 12
Puisque mon bien-aimé respire avec délices 12
60 Votre souffle embaumé ! 6
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