Métrique en Ligne
LSR_1/LSR78
Daniel LESUEUR
(Jeanne LOISEAU)
POÉSIES
1986
PAROLES D'AMOUR
L'HEURE ENCHANTÉE
Rêves de ma jeunesse, ô mes rêves sublimes, 12
Qui jadis habitiez d'inaccessibles cimes, 12
Mes beaux oiseaux sacrés ! 6
Vous êtes descendus vivants parmi les hommes, 12
5 Dans la réalité triste et sombre où nous sommes, 12
Purs vous êtes entrés. 6
Je vous croyais trop beaux pour ce monde où tout pleure, 12
Et voici que soudain au toit de ma demeure 12
Se suspend votre vol. 6
10 Quand l'aube luit j'entends frémir vos douces ailes, 12
Et le soir vos chansons me font oublier celles 12
Du divin rossignol. 6
Mes yeux vous ont suivis, pleins de larmes amères, 12
Lorsque vous sembliez, visions éphémères, 12
15 Fuir au sein de l'azur. 6
Mon cœur de votre adieu se brisait en silence… 12
Et voici qu'aujourd'hui votre nid se balance 12
A l'angle de mon mur. 6
Que vous êtes charmants, fiers et joyeux, mes hôtes ! 12
20 Je vous ai vus planer dans des sphères très hautes, 12
Parmi des rayons d'or ; 6
Tremblante, j'admirais votre splendeur farouche ; 12
Mais vous apparaissez, sous ma main qui vous touche, 12
Plus radieux encor. 6
25 L'un de vous est l'Amour, sûr, profond et fidèle, 12
L'Amour au vaste essor, dont le large coup d'aile 12
Vibre dans l'infini ; 6
L'autre est l'Intimité qui fait une deux âmes ; 12
L'autre est la Poésie à l'aigrette de flammes, 12
30 Chantant son chant béni. 6
Tous vous êtes venus, chers captifs de ma vie. 12
Un seul eût pu me rendre heureuse à faire envie ; 12
Pourtant j'aurais souffert, 6
Car mes vœux insensés vous appelaient ensemble. 12
35 Mais le sort en un jour à mon seuil vous rassemble, 12
Et mon ciel s'est ouvert. 6
Amour !… Culte du beau !… Communion suprême !… 12
Oh ! sentir qu'on s'élève au-dessus de soi-même, 12
Que le cœur s'agrandit, 6
40 Que l'on voit de plus loin la foule et ses mensonges, 12
Parce qu'un œil aimé plein de merveilleux songes 12
Doucement resplendit ! 6
Oh ! dans un clair esprit lire comme en un livre, 12
Surprendre sa pensée et la faire revivre 12
45 En des rythmes légers ! 6
D'un être grave et fort vaincre l'orgueil austère, 12
L'entendre murmurer que rien ne vaut sur terre 12
Nos aveux échangés ! 6
Découvrir à la fois dans la main que l'on presse 12
50 La virile énergie et l'exquise tendresse, 12
Un ferme et cher soutien ! 6
Être deux, se livrer sans jamais se connaître, 12
Et se trouver nouveaux et plus charmants peut-être 12
Après chaque entretien ! 6
55 Aimer tous deux les champs où frissonnent les roses, 12
Les flots bleus, les parfums, les puériles choses, 12
Les bois mystérieux ! 6
Accueillir la gaîté qui rit et qui s'éveille, 12
Et fixer sur la vie, étonnante merveille, 12
60 Un regard sérieux ! 6
Tout voir, tout admirer, tout chercher, tout comprendre 12
Au fond d'un cœur, miroir qui prend tout pour tout rendre, 12
Cœur à notre âme uni ; 6
Savoir que rien n'est beau ni grand qu'il ne reflète, 12
65 Et, comme en s'y peignant l'univers s'y complète, 12
Y trouver l'infini ! 6
O rêves, rêves d'or que formait ma jeunesse ! 12
Vous êtes devenus, riants et pleins d'ivresse, 12
Une réalité. 6
70 Je ne demande rien que prolonger cette heure : 12
Dieu même n'en ferait pour moi point de meilleure 12
Dans son éternité. 6
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