Métrique en Ligne
LSR_1/LSR67
Daniel LESUEUR
(Jeanne LOISEAU)
POÉSIES
1986
PAROLES D'AMOUR
L'OUBLI
Ainsi vous avez cru que l'oubli, vague sombre 12
Dont le flux lourd et lent monte jour après jour, 12
Avait pu dans mon cœur effacer jusqu'à l'ombre 12
De mon divin amour. 6
5 La vie est-elle donc, ami, si magnifique 12
Que j'ose me jouer de son meilleur trésor, 12
Et compter que demain sa bonté pacifique 12
Me le rendrait encor ? 6
Hélas ! n'est-elle pas si durement amère 12
10 Que nous restons tremblants du bonheur effleuré : 12
Il ne nous apparaît, dans une heure éphémère, 12
Que pour être pleuré. 6
Quand nous l'avons touché de nos mains qui frémissent, 12
Pour qu'il demeure, en vain nous prierions les dieux sourds 12
15 Nos cœurs l'ont reconnu, nos cœurs s'épanouissent… 12
Puis saignent pour toujours. 6
Et moi qui l'ai saisi, ce bonheur que l'on rêve, 12
Et moi qui l'ai pressé sur mon sein palpitant, 12
Je précipiterais sa course déjà brève 12
20 Au néant qui l'attend ! 6
Moi qui crains tant pour lui, le sachant périssable, 12
Sur lui j'appellerais le souffle de l'oubli, 12
Semblable au vent de mer qui recouvre de sable 12
Un nom enseveli ! 6
25 J'oublierais !… Mais quel bien me resterait sur terre, 12
Puisque vous êtes loin, puisque tout doit finir, 12
Puisque aujourd'hui déjà mon âme solitaire 12
N'a plus qu'un souvenir. 6
J'en réveille l'ivresse et frémis, car je songe 12
30 Que ce cher souvenir, seul, n'est point incertain ; 12
Gardé par le Passé, dans lequel mon œil plonge, 12
Il échappe au destin. 6
Mais l'espoir, qui vous suit sur votre longue route, 12
Qui vous ramène à moi tel qu'au soir des adieux, 12
35 Dépend de l'Avenir, dont j'épie avec doute 12
Le mot mystérieux. 6
C'est pourquoi j'éternise une heure passagère, 12
Où mon cœur doucement a cru vous deviner ; 12
J'y vivrai jusqu'au jour où votre voix si chère 12
40 Viendra m'en détourner. 6
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