Métrique en Ligne
LOZ_3/LOZ327
Albert LOZEAU
Poésies complètes III
LES IMAGES DU PAYS
précédées des
Lauriers et Feuilles d’Érable
1916
LAURIERS ET FEUILLES D'ÉRABLE
1912-1922
IV. LES IMAGES DU PAYS.
LE PONT ROUGE
Vous souvient-il encor de ce petit pont rouge 12
Sous lequel l’eau bleuâtre et claire à peine bouge ? 12
La rivière n’y sert, parmi les joncs épars, 12
Qu’à bercer lentement de jaunes nénuphars, 12
5 Refléter le nuage immaculé qui passe 12
Et l’oiseau qui s’enfuit dans le limpide espace. 12
Non loin, un vieux moulin par les ans ruiné 12
Garde à ses murs une aile impuissante à tourner : 12
Et derrière, des champs, des coteaux, des collines, 12
10 Dont la toison frémit comme des mousselines, 12
Étalent leur splendeur, et, gracieusement, 12
Atteignent tout là-bas le bord du firmament. 12
Mais le petit pont rouge écoute l’eau dormante 12
Raconter nuit et jour son histoire charmante… 12
15 Elle vient de plus haut ; elle a vu d’autres ponts 12
Tendus au-dessus d’elle ainsi que des plafonds ; 12
Elle a suivi longtemps le caprice des routes ; 12
Sous des arbres feuillus et recourbés en voûtes, 12
Elle a passé, plus sombre, et s’attardant un peu, 12
20 Avant de s’en aller reprendre son air bleu ; 12
Elle a, dans son miroir, réfléchi tant d’images, 12
Tant de soleils nouveaux, d’étoiles, de visages, 12
Reçu tant de baisers de l’azur et du vent, 12
Qu’elle se croit très longue et très large, souvent ! 12
25 Mais le petit pont sage et dont la couleur flambe, 12
Lui qui d’une seule arche élégamment l’enjambe, 12
Sait bien qu’elle est étroite et courte comme lui, 12
Que pour sa grâce fine et souple on l’a construit, 12
Et qu’il est toujours doux d’écouter l’eau sereine, 12
30 L’eau paresseuse et bleue, et l’eau qui coule à peine… 12
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