Métrique en Ligne
LOZ_3/LOZ319
Albert LOZEAU
Poésies complètes III
LES IMAGES DU PAYS
précédées des
Lauriers et Feuilles d’Érable
1916
LAURIERS ET FEUILLES D'ÉRABLE
1912-1922
IV. LES IMAGES DU PAYS.
LA MONTAGNE
Je t’admire, verte montagne, 8
Plus que tout somptueux jardin 8
De Perse, de France ou d’Espagne, 8
Ô Paradis du citadin ! 8
5 Ta masse à la ligne onduleuse 8
Se découpe sur fond d’azur, 8
Et dans la ville populeuse 8
Offre au rêve un asile sûr. 8
Bien avant les feuilles venues, 8
10 Par les vents encor violents, 8
Vers toi s’avancent dans les nues 8
Les corneilles, par groupes lents. 8
En battant lourdement des ailes, 8
Elles descendent dans tes bois, 8
15 Croassant au soleil, fidèles 8
À leur retraite d’autrefois. 8
De jour en jour ta couleur change, 8
La cime des arbres rougit, 8
Puis un matin, comme une frange, 8
20 La verdure neuve surgit. 8
Quels tons clairs, délicats et tendres 8
Diversifient ta frondaison, 8
Le long des routes en méandres, 8
Des chemins bordés de gazon ! 8
25 Sous les branches chantent des sources ; 8
Les oiseaux bâtissent leurs nids 8
Après de longues, longues courses 8
Dans le bleu des cieux infinis. 8
Le chêne étale son ombrage, 8
30 Royalement, avec orgueil ; 8
Dans l’épaisseur de son feuillage 8
On voit fuir l’agile écureuil, 8
Les sveltes bouleaux à l’écorce 8
Brune qu’entoure un cercle blanc, 8
35 Déjà fiers de leur jeune force, 8
Font de la lumière en tremblant. 8
Et tous sont vraiment admirables, 8
Sombres, clairs, grands, petits, moyens ! 8
Mais les plus beaux sont les érables : 8
40 Vous avez bon goût, Canadiens ! 8
Ceux-là prodiguent leur richesse, 8
Car toute la splendeur des ors 8
Et des rouges est en promesse 8
Dans leurs rameaux souples et forts. 8
45 Quand octobre lève sa brume, – 8
Voile par la nuit déployé, – 8
Voyez l’érable qui s’allume, 8
Voyez l’érable flamboyer ! 8
Il éclate en mille féeries 8
50 Au premier rayon de soleil, – 8
Vif chatoiement de pierreries 8
Dans le matin frais et vermeil !… 8
Et la montagne a ses fougères 8
Qui croissent à l’ombre, ses fleurs 8
55 Sauvages, ses mousses légères, 8
Ses herbes de toutes couleurs. 8
Dans sa vieille terre française 8
On creuse un lit aux trépassés, 8
Pour qu’ils puissent dormir à l’aise, 8
60 Au bruit des prières bercés. 8
Ainsi, la montagne partage 8
Sa paix à l’un et l’autre sort : 8
Ses versants étant l’héritage, 8
L’un, du vivant, l’autre, du mort. 8
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