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LOZ_2/LOZ232
Albert LOZEAU
Poésies complètes II
LE MIROIR DES JOURS
1907-1912
1912
LE MIROIR DES JOURS
(1907-1912)
III
L’ÂME ET L’ESPRIT
VANITÉ
Aux feux de mon esprit qui s’allume dans l’ombre, 12
Je me regarde vivre avec étonnement : 12
Une fierté triomphe en ma stature sombre, 12
Et je suis comme un roi promis au firmament ! 12
5 J’ai des chants de victoire au cœur, je me célèbre ! 12
Comme autrefois David devant l’arche a dansé, 12
J’élève un hymne d’or à ma propre ténèbre, 12
Et d’un éclair divin je me sens traversé ! 12
Je suis mon seul amour. Je suis grand. Je suis digne. 12
10 S’il est quelqu’un meilleur, c’est qu’il existe un Dieu ! 12
Et mon être est marqué, comme l’élu, d’un signe 12
Tel qu’on en voit la nuit briller dans le ciel bleu ! 12
Vanité ! vanité ! – Ta poussière superbe 12
Qui s’aime et se contemple, un vent l’emportera ! 12
15 Et, comme après l’été splendide le brin d’herbe, 12
Ton corps, ton pauvre corps lentement pourrira ! 12
Vanité des beaux yeux et vanité des lèvres, 12
Et vanité des mains où l’on s’est caressé ! 12
Que restera-t-il donc des frissons et des fièvres 12
20 Quand l’agonie horrible et longue aura passé ? 12
La terre confondra dans une même fange 12
L’humble et celui qui fut de son âme orgueilleux, 12
Et rien n’apparaîtra sur leurs tombes d’étrange ; 12
Ils dormiront égaux et pareils sous les cieux. 12
25 Vanité ! vanité ! – Courbe ton front que dresse 12
Plus haut que ton destin l’ambitieux désir ! 12
La mort, de toutes parts, avidement te presse, 12
Le néant d’où tu sors cherche à te ressaisir ! 12
Cris de gloire perdus, qu’on peut à peine entendre 12
30 Dans la sourde rumeur que fait l’humanité, 12
Vous montez d’une bouche où reste un goût de cendre, 12
Vous n’êtes qu’un vain bruit par lui-même écouté ! 12
Vanité ! – Tout s’éteint, tout expire et tout passe, 12
L’astre dans sa clarté, le monde en son orgueil ! 12
35 Et l’homme, qui remplit de tumulte l’espace, 12
Mesure sa grandeur aux planches du cercueil ! 12
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