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LOZ_2/LOZ205
Albert LOZEAU
Poésies complètes II
LE MIROIR DES JOURS
1907-1912
1912
LE MIROIR DES JOURS
(1907-1912)
III
L’ÂME ET L’ESPRIT
LES DEUX MÉTIERS
Au pupitre comme à l’enclume, 8
Le poète et le forgeron 8
Ont la même auréole au front 8
Quand le feu créateur s’allume. 8
5 L’un travaille le rude airain, 8
L’autre forge le vers plus rude ; 8
Tous les deux ont noble attitude 8
Devant le labeur souverain. 8
L’un, à la flamme intérieure, 8
10 Plie et façonne un pur métal, 8
L’autre, au feu vivace et loyal, 8
Plonge un fer, outil tout à l’heure. 8
Les deux métiers sont longs, mais doux ; 8
Ils réclament toute la vie ; 8
15 L’âme est à sa tâche asservie, 8
Et les bras frappent à grands coups. 8
Le corps s’use et l’esprit se lasse ; 8
L’effort recommence toujours, 8
Rythmé par des bruits clairs ou sourds 8
20 Et par de longs soupirs qui passent… 8
Devant votre gloire, ô Seigneur, 8
À votre jugement très juste, 8
Quel est des deux le plus auguste 8
Et le plus fécond travailleur ? 8
25 Votre regard dans l’âme plonge, 8
Rien n’en saurait masquer le vrai, 8
Vous savez les motifs secrets, 8
Pour Vous, l’esprit est sans mensonge. 8
Celui qui lève le marteau, 8
30 Exempt de l’orgueil qu’on redoute, 8
Et dont la peine vous est toute 8
Offerte, Seigneur, sans un mot… 8
Celui qui sue avec misère 8
Seulement pour gagner son pain, 8
35 Et qui n’attend pas pour demain 8
Le renom, comme son salaire. 8
Seigneur, à vos yeux le plus grand 8
N’est pas l’ouvrier dont la gloire 8
Consacre à jamais la mémoire : 8
40 Le dernier siège au premier rang. 8
Forgeron du vers, que ton âme 8
S’illumine modestement 8
Au mystérieux élément 8
Dont le Ciel entretient la flamme. 8
45 Les vers sont beaux quand ils sont purs 8
Comme l’eau des claires fontaines, 8
Et que la conscience humaine 8
S’y reflète, ainsi que l’azur ! 8
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