Métrique en Ligne
LOZ_1/LOZ87
Albert LOZEAU
Poésies complètes I
L'ÂME SOLITAIRE
1902-1907
1907
IV
L’ÂME SOLITAIRE
Les livres ― L'Ame
I
LES LIVRES
EN MARGE
I
Écrire ce qu’on sent, exprimer ce qu’on pense, 12
Ce doit être une exquise et noble récompense ! 12
Faire dire aux vieux mots par les bouches usés, 12
Comme des sous anciens et démonétisés, 12
5 L’ardeur profonde et neuve et vive des tendresses, 12
En y faisant passer le frisson des caresses ; 12
Ou, poète inspiré, retrouvant leurs valeurs, 12
Sentir couler, en les disant, les mots en pleurs ; 12
Comme en des vases d’or, verser dans les mots vides 12
10 Leurs sens premiers, ainsi que de rares liquides 12
Mousseux, fins et pareils à quelque très vieux vin, 12
Ah ! ce doit être doux, ce doit être divin ! 12
II
J’ai chanté bien des yeux, poète monotone, 12
Mais j’aime les yeux clairs comme j’aime l’automne : 12
15 Étant, comme lui, doux et, comme lui, divers, 12
Ils peuvent illustrer sans cesse les beaux vers. 12
Les yeux par qui l’on croit, les yeux par qui l’on doute, 12
Les yeux par qui l’on aime ont ma passion, toute ! 12
Je les comparerai toujours, banalement, 12
20 Comme jadis, aux étoiles du firmament. 12
Ah ! que n’ai-je vécu du temps des vieux poètes, 12
Où les comparaisons n’étaient pas toutes faites ! 12
J’aurais, usant des mots sans craindre le cliché, 12
Dit le charme des yeux en style non cherché. 12
III
25 J’ai lu les vieux rimeurs aux grands vers pleins de sève, 12
Dont le style robuste éternise le rêve. 12
J’ai lu Villon, triste et sensible débauché 12
Dont la gloire a depuis par les siècles marché. 12
Du Bellay m’a fait voir à nu l’âme d’un homme 12
30 Loin du pays natal, vécût-il même à Rome ; 12
Ronsard, millionnaire en rythmes, m’a conté 12
Ses amours, longuement et d’un verbe éhonté ! 12
Marot, spirituel et clair, m’a fait sourire… 12
Et j’ai maudit ma vanité sotte d’écrire, 12
35 Me jurant de ne plus commettre un vers français ! 12
– À moi-même parjure, hier je recommençais ! 12
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