Métrique en Ligne
LOZ_1/LOZ50
Albert LOZEAU
Poésies complètes I
L'ÂME SOLITAIRE
1902-1907
1907
II
VEILLES DU JOUR ET DE LA NUIT
La chanson des heures ― La Chansons des mois
II
LA CHANSON DES MOIS
LES SAULES
Il fait beau. Midi chauffe l’herbe. 8
L’ombre des maisons s’attiédit. 8
Et le grand soleil d’or superbe, 8
Plus lent dans l’azur, s’alourdit. 8
5 Pesant sur l’air tout bleu qu’il brûle 8
Et refoule, on dirait, vers nous, 8
L’astre mourant du crépuscule 8
Au midi nous veut à genoux. 8
Il nous pèse sur les épaules 8
10 Et nous met son feu dans le sang… 8
Oh ! le frais ombrage des saules, 8
Triste, endeuillé, mais frémissant ! 8
En frissons de printemps, il passe 8
Nous allégeant l’âme et la chair, 8
15 L’ombrage saturé d’espace 8
Où flotte une fraîcheur de mer. 8
Comme ils sont bons les maigres saules, 8
Pour les vivants et pour les morts ! 8
Arbres aimés des nécropoles 8
20 Où n’entrent jamais les remords ! 8
Que sous votre garde, bons arbres, 8
Je dorme pour l’éternité ; 8
Vous valez bien mieux que les marbres, 8
Trop froids en leur rigidité. 8
25 Les oiseaux dans votre feuillage 8
Sans peur viennent bâtir leurs nids ; 8
Vous parlez moins du grand voyage 8
Que les marbres et les granits. 8
Le frais qui tombe de vos branches 8
30 Contient quelque chose de ceux 8
Dont nous aimâmes les mains blanches, 8
Dont nous adorâmes les yeux ! 8
C’est pourquoi la mélancolie 8
De vous semble en nappe pleuvoir… 8
35 Gardiens des tombes qu’on oublie, 8
Qui peut ne s’attrister à voir 8
Trembler vos longues silhouettes 8
Ainsi que de verts souvenirs, 8
Vous, les monuments des poètes 8
40 Que tueront les durs avenirs ! 8
Oh ! le frais ombrage des saules, 8
Triste, endeuillé, mais frémissant, 8
Lorsque midi, sur les épaules, 8
Lourd du soleil incandescent, 8
45 Pèse comme une épaisse chape, 8
Et que de l’esprit angoissé 8
Nul penser ailé ne s’échappe 8
En un vol clair et cadencé ! 8
logo du CRISCO logo de l'université