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LOY_2/LOY49
Charles LOYSON
ÉPÎTRES ET ÉLÉGIES
1819
ÉLÉGIES
ÉLÉGIE VIII
LA SOIRÉE D'HIVER
A M. PAPIN.
En vain l'astre éclatant qui luit sur l'univers, 12
Malgré le froid Janus, dans un ciel sans nuage, 12
D'un printems imprévu faisant briller l'image, 12
A bravé tout le jour le démon des hivers ; 12
5 Déjà sa clarté douce et pure 8
Ne charme plus nos regards éblouis, 10
Et dans une vapeur obscure 8
Ses feux se sont évanouis. 8
Le jour tombe, l'air est de glace, 8
10 Les fiers enfans du Nord rugissent dans l'espace ; 12
Cher ami, l'hiver règne et triomphe à son tour. 12
Sa rigueur suit de près sa faveur passagère. 12
Hélas ! jamais ce dieu sévère 8
Ne sut par un beau soir couronner un beau jour. 12
15 Descendons cependant : viens, je veux voir encore 12
Ce fleuve impétueux qui baigne ta maison, 12
Et dont le flot poussé par l'aquilon 10
Roule en grondant sous cette arche sonore. 10
Mais à nos yeux déjà tout s'éclipse, tout fuit, 12
20 La ville a disparu, d'un voile épais couverte, 12
Et, sur la rive au loin déserte, 8
Nous voici seuls avec la nuit ! 8
Vois au milieu des flots cette clarté tremblante 12
Qui parmi les brouillards, qu'elle a peine à percer, 12
25 Semble de loin se balancer 8
Au gré de la vague inconstante. 8
Là, debout sur leur barque, auprès du feu placés, 12
Quelques nochers en cercle, à la flamme éclatante 12
Réchauffent leurs membres glacés, 8
30 Tandis qu'autour d'eux empressés, 8
Leurs compagnons déjà jettent l'ancre mordante, 12
Et contre l'ouragan dont ils sont menacés, 12
Assurent pour la nuit la nacelle flottante. 12
Ce matin nous suivions, sur le fleuve en repos, 12
35 Le vol prompt et léger de cette barque agile ; 12
Le ciel était serein, l'air pur, l'onde immobile ; 12
Tout paraissait sourire aux joyeux matelots ; 12
Mille aspects enchanteurs s'étendaient sur les rives, 12
Ou leur ouvraient au loin de riches perspectives. 12
40 Des vagues maintenant, un air froid,un ciel noir, 12
Le sifflement des vents du soir, 8
Dont le flot turbulent résonne, 8
Une impénétrable vapeur 8
Qui les presse et les emprisonne 8
45 Dans une nuit pleine d'horreur ; 8
Sous ces cieux éclipsés peut-être quelque orage, 12
Le naufrage peut-être, et peut-être la mort !…. 12
O mon ami, dans cette image 8
J'ai cru reconnaître mon sort ! 8
50 J'ai par un tems serein commencé mon voyage ; 12
Sur la foi des zéphyrs je quittais le rivage, 12
Ma barque côtoyait des bords délicieux ; 12
Quel riant horizon s'offrait devant mes yeux ! 12
J'étais heureux enfin, j'espérais mieux encore. 12
55 Matin trompeur ! menteuse aurore ! 8
Hélas ! avant la fin du jour 8
Mes cieux ont perdu leur lumière. 8
Qu'êtes-vous devenue, ô brillante carrière ? 12
Des nuages affreux vous cachent sans retour. 12
60 Grâce à ce changement funeste, 8
Un présent douloureux, un avenir d'effroi, 12
C'est tout ce que la vie a maintenant pour moi ! 12
Peut-être même encore à la bonté céleste 12
Dois-je la triste obscurité 8
65 Qui m'enfermant de tout côté, 8
Du chemin qui m'attend me dérobe le reste. 12
Je n'ai point de lâche frayeur. 8
J'ai vu de près la sombre rive, 8
Je mourais dans tes bras ; ta compagne attentive 12
70 Pleurait, et sans espoir soutenait ma langueur. 12
Vos soins ont rappelé mon ame fugitive ; 12
Ah ! de ces frêles jours qu'une tendresse active 12
Vient de sauver plus d'à moitié, 8
Disposent à leur gré les destins sans pitié !…. 12
75 Mais que je meure ou que je vive, 8
Je vivrai, je mourrai fidèle à l'amitié. 12
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