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LOY_2/LOY41
Charles LOYSON
ÉPÎTRES ET ÉLÉGIES
1819
ÉPITRES
ÉPITRE VII
A M. *****
LAISSE-LA le fatras bizarre, 8
Des us, des coutumes, des lois ; 8
Laisse-là le jargon barbare 8
De nos durs Cicérons gaulois. 8
5 Instruit au charmant badinage 8
De Gresset et d'Anacréon, 8
Un enfant du sacré vallon 8
Peut-il souffrir le voisinage 8
De Cujas, Barthole et Jason ? 8
10 Non, non, que ta Muse facile 8
Me peigne ce réduit tranquille, 8
Où, sous la garde de l'amour, 8
Tu vas souvent à la sourdine, 8
Auprès d'une nymphe enfantine, 8
15 Achever doucement le jour. 8
Peins-moi cette ardeur innocente 8
Qu'un seul regard sait maîtriser, 8
Et cette audace entreprenante 8
Qui d'elle-même s'épouvante 8
20 Quand elle a surpris un baiser. 8
Je crois assister au mystère ; 8
Je vois ce minois ingénu, 8
Démentant sa feinte colère, 8
Rougir d'un plaisir inconnu, 8
25 Sous les lèvres du téméraire. 8
Ne résiste plus aux destins ; 8
Ami, ces puissances secrètes 8
Qui nous font, suivant leurs desseins, 8
Philosophes, guerriers, robins, 8
30 Larrons, procureurs ou poètes ; 8
Ces maîtresses de l'univers 8
Ont réglé dans leur fantaisie 8
Que tu devais passer ta vie 8
A faire l'amour et des vers. 8
35 En vain dans un emploi profane 8
Tu veux, prostituant ta voix, 8
De la ténébreuse chicane 8
Débrouiller les gothiques lois. 8
Non, tu n'iras point, de tes juges 8
40 Surprenant la crédulité, 8
Par d'insidieux subterfuges 8
Faire mentir la vérité ; 8
Ni par un vénal artifice 8
Prêtre apostat de la justice, 8
45 Offrir ton encens à Plutus, 8
Ou promener de doute en doute 8
Cette déesse aux yeux perclus, 8
Qui toujours juge et n'y voit goutte. 8
De la lourde divinité 8
50 Que le bourgeois du Maine encense, 8
Par les amis de la finance 8
L'autel est assez fréquenté. 8
Toi, sur ta lyre enchanteresse, 8
Tu célébreras les plaisirs, 8
55 L'ardeur des amoureux désirs, 8
Et les doux flux de la jeunesse. 8
Mais que tes vers audacieux 8
N'osent jamais contre les cieux 8
Lancer un badinage impie(1) ; 8
60 Le fils des Muses au génie 8
Doit joindre un cœur religieux. 8
Le grand Virgile fut pieux, 8
Et le chantre mélodieux 8
De Némésis et de Délie 8
65 N'a jamais outragé les dieux(2). 8
(1)  Allusion à des poésies un peu libres de celui à qui cette épître est adressée.
(2)  Nec nos sacrilegos templis admovimus ignes,
Nec cor sollicitant facta nefanda meum.
Nec nos insand meditantes jurgia mente,
Impiu in adversos solvimus ora Deos.
TIBULLE, élégie 5, liv. III.

Je n'ai point, insensé, d'un bras audacieux
Lancé sur les autels une coupable flamme :
Le cri d'aucun remords n'épouvante mon ame ;
Et jamais, dans l'accès d'un transport furieux,
Mes coupables discours n'ont outragé les Dieux.
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