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LOY_1/LOY7
Charles LOYSON
LE BONHEUR DE L'ÉTUDE :
discours en vers et autres poésies
1817
ODES
ODE V
LE COMMENCEMENT D'AMOUR
Jadis je n'aimais que ma lyre, 8
Le repas, la gloire et les arts. 8
Souvent dans un docte délire 8
Je célébrais les fils de Mars. 8
5 Souvent je chantai sa nature, 8
Ou, formant de plus nobles sons, 8
De la vertu sublime et pure 8
Ma voix retraçait les leçons. 8
O Dieu des vers ! qu'avec ivresse 8
10 Je m'essayais à tes accords ! 8
Quel enthousiasme, ô Permesse ! 8
J'allais respirer sur tes bords. 8
Maintenant un triste silence 8
Succède à des transports si doux ; 8
15 Vous que j'aimai dès mon enfance, 8
O Muses ! m'abandonnez-vous ? 8
Si du matin, sur la colline, 8
Je vais respirer la fraîcheur, 8
Au fond de la forêt voisine 8
20 Si du Midi je fuis l'ardeur, 8
Dans ces bois dont l'ombre m'attire 8
Sur ces coteaux, dans ce vallon, 8
Ce n'est plus vous que je désire, 8
Je ne cherche plus Apollon. 8
25 Où sont ces fils de Polymnie, 8
Qui m'enflammaient de leurs transports ? 8
Où sont ces dieux de l'harmonie 8
Qui m'en ouvraient tous les trésors ? 8
Horace, Pindare, Virgile, 8
30 J'oublie, hélas ! jusqu'à vos noms. 8
De l'amant même de Bathylle 8
Je lis à peine les chansons. 8
Un autre démon me possède, 8
Tyran de ma faible raison, 8
35 Qui d'un long ennui sans remède 8
Nourrit en mon sein le poison. 8
Une inquiétude profonde 8
M'entraîne aux lieux les plus secrets ; 8
Je voudrais échapper au monde, 8
40 Et seul errer dans les forêts ! 8
Pénétrons sous ces bois antiques, 8
Suivons ces sentiers retirés, 8
Dans ces labyrinthes rustiques 8
Enfonçons nos pas égarés. 8
45 Forêts, épaisissez vos ombres, 8
Entourez-moi de vos rameaux. 8
Eh bien ! dans ces asiles sombres, 8
Mon cœur, êtes-vous en repos ?, 8
Quelle est donc l'humeur inquiète 8
50 Qui me suit en ces lieux déserts ? 8
Je cherchais l'ombre et la retraite… 8
Me voilà seul dans l'univers ! 8
Mon âme doit être contente, 8
Et n'a plus rien à désirer. 8
55 Pourtant je ne sais quelle attente 8
Me force encore à soupirer. 8
C'est trop, c'est trop perdre ma vie 8
Au sein d'une obscure langueur. 8
Je'veux de mon âme asservie 8
60 Ranimer l'antique vigueur. 8
Compagne jadis assidue, 8
Viens, ma lyre, reprends tes droits : 8
Long-tems muette et détendue, 8
Viens t'unir encore à ma voix. 8
65 Déja d'un généreux délire 8
Je sens mon esprit agité. 8
Quels rois, quels héros, Ô ma lyre, 8
Nous devront l'immortalité ? 8
La gloire a déployé ses ailes, 8
70 Chantons… mais pourquoi ces soupirs ? 8
Est-ce ainsi, cordes infidelles, 8
Que vous secondez mes désirs ? 8
De la destinée inflexible 8
Je reconnais enfin la loi, 8
75 A son ascendant invincible 8
Il faut me rendre malgré moi. 8
O ma lyre ! il faut te suspendre, 8
Reçois mes adieux en ce jour. 8
Mes mains ne doivent te reprendre 8
80 Que par les ordres de l'Amour. 8
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