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Charles LOYSON
LE BONHEUR DE L'ÉTUDE :
discours en vers et autres poésies
1817
POÉSIES DIVERSES
ÉPÎTRE A MONSIEUR DUCIS
Je n'ai point désiré l'éclat et les honneurs ; 12
L'or ne fut point l'objet de ma sollicitude. 12
Que font au nourrisson des immortelles sœurs, 12
Ami des doux loisirs et de la solitude, 12
5 Une opulente inquiétude 8
Et le faste importun du luxe et des grandeurs ? 12
O vous qui, du sommet de vos doctes collines, 12
Distribuez la gloire et l'immortalité, 12
Da génie et des arts protectrices divines ! 12
10 Au pied de vos autels du berceau transporté, 12
Si j'osai, jeune encor, célébrer vos mystères, 12
Si vos saintes faveurs me furent toujours chères, 12
Cachez-moi, j'y consens, dans le fond des déserts. 12
Loin du monde, étranger à toute la nature, 12
15 Dans vos doux entretiens je trouve l'univers. 12
Que faut-il au bonheur ? un ruisseau qui murmure, 12
Le silence des bois, et l'amour des beaux vers. 12
Mais, ô Muses ! daignez', dans ma retraite obscure, 12
M'instruire aux secrets de votre art ; 8
20 Et, comme un arbrisseau, dans un lieu solitaire, 12
Nourri des eaux du ciel et des sucs de la terre, 12
S'élève et fleurit à l'écart, 8
Puissé-je, cultivé par vos mains immortelles, 12
Étendre mes rameaux naissans, 8
25 Et me couvrir un jour de ces fleurs éternelles, 12
Qui durent sans vieillir, et qui, toujours plus belles, 12
Se rajeunissent par le tems. 8
Ce sont là tous mes vœux, c'est ma plus chère envie. 12
Dans ce lieu de passage, où m'a jeté le sort, 12
30 Que m'importe comment s'écoulera ma vie, 12
Si mes vers et mon nom triomphent de la mort ! 12
C'est ainsi qu'aux neuf sœurs j'adressais ma prière, 12
Quand tout à coup du haut des cieux, 8
Je vis dans des flots de lumière, 8
35 L'une d'elles descendre et paraître à mes yeux. 12
C'était celle, je crois, qui, si tendre et si fière, 12
Inspira parmi nous un Sophocle nouveau, 12
Quand d’Alceste et d'Œdipe il ouvrit le tombeau, 12
Ou que, nous remplissant des sublimes alarmes, 12
40 De la noire terreur, de la douce pitié, 12
Pour Macbeth expirant il fit couler nos larmes, 12
Puis sur un ton moins haut nous retraça les charmes 12
Et les soins consolans de la tendre amitié. 12
« Oui, par nous des grands noms la gloire est consacrée, 12
45 Me dit-elle, c'est nous qui des siècles futurs 12
Donnons à notre choix ou refusons l'entrée ; 12
Nous éclairons du tems les abîmes obscurs : 12
Nous faisons les héros, nous faisons les poètes. 12
Mais de ce feu sacré, de ces flammes secrètes, 12
50 Qui, malgré le pouvoir du dieu des sombres bords, 12
Ravissent les grands noms à l'empire des mânes, 12
Tout esprit n'est pas digne : et nos plus doux transports 12
N'ont plus rien d'immortel dans nos âmes profanes. 12
Subis donc tes destins. Dans la fleur de tes ans, 12
55 Goûte, sans trop de soin, nos faveurs passagères, 12
Et, sans trop de regret, vois tes feuilles légères 12
Plus vite encor que toi suivre les flots du tems. 12
Peu de noms sont faits pour la gloire, 8
Peu furent par les dieux promis à l'avenir, 12
60 Et le tien doit bientôt finir, 8
J'en pourrais cependant assurer la mémoire ; 12
Et, si par grâce un jour je daignais le placer 12
Dans les vers qu'à Ducis j'inspire, 8
Le tems, l'oubli, la mort y perdraient leur empire, 12
65 Et tous leurs vains efforts ne sauraient l'effacer, 12
La Déesse à ces mots quitta soudain la terre, 12
Et de loin dans les airs je la vis s'envoler, 12
Me laissant pour adieux un arrêt si sévère. 12
Devant vous j'ose en appeler. 8
70 Chantre éloquent d'Hamlet, que faut-il que j'espère ! 12
Deux vers pourraient me consoler. 8
Deux vers ! qu'un immortel vous est facile à faire ! 12
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