Métrique en Ligne
LOU_1/LOU13
Pierre LOUŸS
ŒUVRES COMPLÈTES
TOME XIII
POÉSIES
1888-1920
PREMIERS VERS
Je l’ai sculpté dans un tronc d’ivoire, 9
Le corps féminin, lunaire et froid, 9
Au plus obscur de la crypte noire, 9
Affolé d’effroi. 5
5 Je l’ai taillé sous l’éclat d’un cierge, 9
À coups de couteau, la tête en feu, 9
Fou du bonheur de créer la Vierge, 9
D’accoucher de Dieu. 5
Je l’ai creusé, torturé, fait vivre : 9
10 Ô maternité ! je l’ai conçu ; 9
Et j’ai passé mes doigts autour, ivre 9
Du rêve aperçu. 5
Je l’ai dressé en pleine lumière 9
Forme d’Aonun, corps de héros, 9
15 Sur un haut bloc, piédestal de pierre, 9
Jusqu’aux clairs vitraux. 5
Et c’est un corps frissonné d’aurore, 9
Un corps souple et nu, calme et vivant, 9
Figeant au sol ses beaux pieds encore, 9
20 Les doigts en avant. 5
Un corps de vierge, un corps de madone, 9
Blanc comme un glacier sur champ d’azur, 9
Un corps de jour que l’ombre abandonne, 9
Impassible et pur. 5
25 Les flancs sont blancs, les hanches sont blanches. 9
La Vierge frémit dans sa clarté. 9
Grave, debout, les coudes aux hanches, 9
Geste de beauté. 5
Trois doigts ouverts, un doigt sur le pouce, 9
30 Les bras allongés comme un Bouddha : 9
C’est bien la Forme inactive et douce 9
Et qui m’obséda. 5
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