Métrique en Ligne
LOR_4/LOR239
Jean LORRAIN
LES GRISERIES
1887
LE COIN DES ESTHÈTES
EFFEUILLEMENT
POUR JORIS-KARL HUYSMANS
Dans un vieux ciboire d'étain 8
S'effeuille, morne et douloureuse, 8
Une rose d'automne ocreuse, 8
D'un jaune de soleil éteint. 8
5 Prés d'un grand verre de Venise, 8
Sur un tapis d'ancien lampas 8
La rose malade agonise 8
D'un lent et somptueux trépas 8
Parmi les étoffes brochées, 8
10 Dont les vieux ors appesantis 8
Semblent réfléchir amortis 8
Les tons de ses feuilles séchées. 8
Au fond dans l'ombre des tentures 8
Un grand vitrail limpide et clair 8
15 Laisse apparaître les mâtures 8
D'un port de pêche, un ciel d'hiver, 8
Un ciel tiède et doux de Décembre, 8
Dont les gris de cendre attendris 8
Font de la rose aux tons pourris 8
20 Une transparente fleur d'ambre ; 8
Et cette hautaine agonie 8
De fleur parmi ce luxe ancien 8
Est bien dans l'âme et l'harmonie 8
De ce logis patricien, 8
25 Ce logis, où sous de longs voiles 8
De grands archiluths attristés 8
Font de leurs manches incrustés 8
De nacre et d'or autant d'étoiles. 8
Un doux relent de frangipane, 8
30 A force de douceur malsain, 8
Discrètement monte et s'émane 8
D'un angle, où dort un clavecin, 8
Et cette chose pauvre et laide, 8
Qu'est l'effeuillement d'une fleur, 8
35 Devient une exquise douleur 8
Dans cette chambre haute et tiède. 8
Dans un vieux ciboire d'étain 8
S'effeuille, morne et douloureuse, 8
Une rose d'automne ocreuse 8
40 D'un jaune de soleil éteint. 8
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