Métrique en Ligne
LOR_4/LOR220
Jean LORRAIN
LES GRISERIES
1887
FANERIE
POUR SARAH
Des vieilles étoffes fanées 8
Je suis le maladif amant. 8
J'en veux dire l'enchantement 8
Et les nuances surannées ; 8
5 Leurs tons discrets et douloureux 8
De vivantes choses anciennes 8
Et les langueurs patriciennes 8
Des vieux orfrois cadavéreux. 8
Mon âme, qui s'avive et souffre, 8
10 Adore les sourires las 8
Et fatigués des satins soufre, 8
Rayés de rose et de lilas ; 8
Et c'est une aventure exquise 8
De retrouver dans un reflet 8
15 Tout un bleu passé de marquise 8
Fleurant la jonquille et l'œillet. 8
Les vieux lampas aux tons d'agate, 8
Lustrés sous l'ongle aigu du temps, 8
Ont la hautaine et délicate 8
20 Tristesse des lointains printemps ; 8
Les frais printemps de la jeunesse, 8
Avrils emportés sans retours, 8
Et dont les lys de soie épaisse 8
S'effeuillent dans les gros de Tours. 8
25 Mais pour chanter la griserie 8
Errante en ces luxes défunts, 8
Volupté savante et meurtrie 8
De vieux baisers, d'anciens parfums, 8
Il faudrait sous mes doigts dociles 8
30 Les cordes d'un basson d'amour 8
Au long manche de bois des Îles 8
Peint de bergères Pompadour : 8
Et dans l'ombre aimable et dévote 8
D'un boudoir obscur et fardé, 8
35 Sur des airs dansants de gavotte, 8
Moi-même, en habit démodé, 8
Des vieilles étoffes fanées 8
J'évoquerai l'esprit charmant 8
Et le rêveur enchantement 8
40 Des nuances, ces raffinées ! 8
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