Métrique en Ligne
LOR_3/LOR205
Jean LORRAIN
MODERNITÉS
1885
PARISIENS
ÉTERNITÉ
Évanouis les gais fantômes, 8
Comme un blond tourbillon d’atomes 8
Évoqués l’espace d’un soir 8
Au-dessus de Paris sinistre, 8
5 Où mon vers rageur comme un sistre, 8
Les a fait tordre et se mouvoir ! 8
Au-dessus des toits et des dômes, 8
Évaporés les fins arômes 8
Exhalés de dessous troublants, 8
10 Retroussés par les mains brutales 8
Des gommeux sur les genoux pâles 8
Des belles filles aux seins blancs. 8
Empoignant par leurs rudes tresses 8
Les Modernités vengeresses, 8
15 En vain ai-je au vent secoué 8
Le glauque essaim des amours chauves 8
Et les baisers de ses alcôves 8
Sur Paris honteux bafoué ! 8
Les lèvres par le froid gercées 8
20 N’ont plus de sourire et, glacées, 8
Les railleuses filles d’amour, 8
Suant la peur et la misère, 8
Se débattent sous l’âpre serre 8
De leurs amants de carrefour ! 8
25 C’est en vain que j’ai voulu rire. 8
Ma joie était une satire : 8
Le rêve ardent, que je rêvais, 8
M’a laissé du sang sur la joue 8
Et j’ai répandu de la boue 8
30 Dans l’humble verre, où je buvais, 8
Je me suis brûlé dans la fête ! 8
Clown ébloui tombé du faîte, 8
J’ai voulu rire et j’ai pleuré 8
Et, sous la gaîté qui me grise, 8
35 Je sais au fond qui je méprise 8
Dans ce livre d’homme écœuré ! 8
Modernité, Modernité 8
Sous le sarcasme et la huée 8
La nudité prostituée 8
40 Saigne au fond de l’éternité. 8
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