Métrique en Ligne
LOR_3/LOR189
Jean LORRAIN
MODERNITÉS
1885
MODERNISANTS
DARLING
La moustache soyeuse et rousse, bien en chair ; 12
Une chair de beau blond à l’œil appétissante, 12
Carrant les reins nerveux et l’épaule puissante 12
Dans le tricot foncé sur le pantalon clair, 12
5 Le darling se promène en face de la mer, 12
Indolent…
Et la troupe affreuse et médisante
Des dames en chapeaux rubis, effervescente, 12
Détaille son costume et sa marche et son air. 12
« C’est un grec
— Un escroc !
— « Pis, la vieille duchesse
« D’Athys l’entrenaitentretenait
10 « Il est du cercle exclus. »
— « La juive madame Irb est, dit-on, sa maîtresse. 12
« Voyez, c’est indécent… la petite comtesse 12
« D’Orseuil, elle s’arrête et lui rend son salut ? » 12
— « La comtesse, sa mère, était une drôlesse… 12
15 « Après tout, et la fille aura de qui tenir… » 12
Et c’est un flux montant de cris, d’aigres paroles, 12
Une rumeur d’oisons et de perruches folles, 12
En délire, écorchant l’homme à n’en plus finir. 12
« Je l’ai connu jadis, j’en ai bon souvenir, 12
20 « Il était gondolier, à Venise, en gondole, 12
« Oui, madame, et chantait le soir la barcarolle ! » 12
« Chanteur !
— « Un tel passé répond de l’avenir. »
Et le darling aimé, ravi de tant de haine, 12
Beau, sans tempérament, lentement se promène, 12
Serti dans son tricot anglais.
25 Son seul orgueil
Est d’avoir mis le clan des laiderons en deuil, 12
Tandis que, dédaigneux, en marchant, il égrène 12
Des aveux non sentis dans l’oreille mondaine 12
De quelque madame Irb ou comtesse d’Orseuil. 12
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