Métrique en Ligne
LOR_2/LOR96
Jean LORRAIN
LA FORÊT BLEUE
1883
LA FORÊT BLEUE
LES ELFES
A ARMAND SILVESTRE
C'est au fond des bois de Norwège 8
Et de Thuringe, que Schiller 8
Fait valser les elfes de neige 8
Au bord des sources au flot clair. 8
5 Les nuits d'Avril, où l'ombre est douce 8
Et toute pleine de clartés, 8
Leurs pieds nus argentent la mousse 8
Au fond des sentiers écartés. 8
Le vieux gitane hésite et tremble, 8
10 En passant au coup de minuit 8
Sous le feuillage ému du tremble, 8
Où la source miroite et luit. 8
La nuit, sous la lune sereine, 8
Il sait, le gai coureur de bois, 8
15 Qu'il faut éviter la fontaine, 8
Où l'on entend rire des voix 8
L'elfe est là, debout sur l'eau verte, 8
De ses reins cambrant la rondeur, 8
Les yeux luisants, la lèvre offerte, 8
20 Spectre adorable d'impudeur. 8
Des rires sonnent, des bruits d'ailes 8
Vibrent et, dans l'ombre entrevus, 8
Des fronts couronnés d'asphodèles 8
Tournoient vaguement éperdus. 8
25 Les ténèbres sont provocantes 8
Le souffle ardent des temps anciens 8
Emplit de nocturnes bacchantes 8
Les bois redevenus païens. 8
Des rires aigus, des huées 8
30 Éclatent le long des talus. 8
Entre les feuilles remuées 8
On voit fuir des rables velus. 8
L'antique Évohé des Ménades 8
Retentit au creux des ravins. 8
35 Les elfes blancs sont des dryades, 8
Les elfes noirs sont des sylvains, 8
Ces seins tremblants, ces yeux humides 8
Valsant au fond d'une lueur, 8
Sont des dieux poilus et splendides 8
40 Baisant des nymphes en sueur. 8
Dryades aux grands yeux sauvages, 8
Sylvains couronnés de roseaux, 8
Dans l'ombre errante des feuillages 8
Tournoient en chantant sur les eaux ; 8
45 Et c'est le joyeux chœur antique 8
Des nymphes et des ægipans 8
Qui valse, étrange et fantastique, 8
Sous les clairs de lune allemands, 8
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