Métrique en Ligne
LOR_2/LOR82
Jean LORRAIN
LA FORÊT BLEUE
1883
LA FORÊT BLEUE
PROLOGUE
A VICTOR HUGO
Un charme étrange et doux m'attire 8
Au fond des bois. 4
Est-ce une flûte qui soupire ? 8
Est-ce une voix ? 4
5 Le chœur joyeux du dieu Satyre 8
Y tourne-t-il comme autrefois ? 8
Y verrons-nous l'antique lutte 8
Des dieux bergers, 4
Les nymphes joueuses de flûte 8
10 Aux doigts légers, 4
Dansant pour retarder la chute 8
Du soleil au fond des vergers ? 8
A l'heure, où l'étoile s'allume 8
Au bord des blés, 4
15 Viens, nous irons voir à la brume 8
Leurs pieds ailés 4
Voltiger sur l'herbe qui fume 8
Prés des vieux temples écroulés. 8
Mêlant l'écho de leurs ballades 8
20 Aux sons du cor, 4
Le groupe enlacé des naïades 8
Aux cheveux d'or 4
Sur le rythme ardent des Ménades 8
Au crépuscule y chante encor. 8
25 Les roseaux nous diront le conte, 8
Toujours nouveau, 4
De la nixe et du seigneur comte 8
Au bord de l'eau 4
Buvant la mort avec la honte, 8
30 L'amour de fée est un tombeau. 8
Le front coiffé de marjolaines, 8
Nous surprendrons 4
Pan s'abreuvant aux coupes pleines 8
Des liserons, 4
35 Et la bataille des vieux chênes 8
Avec les jeunes bûcherons. 8
Chaque brin d'herbe a sa légende 8
Aux grands bois sourds. 4
La menthe est triste, la lavande 8
40 Fleurit toujours. 4
Nous en ferons une guirlande. 8
Mais écoutez l'herbe d'amours, 8
Le fils du roi part à la chasse 8
Viens, suivons-le. 4
45 Il a trois lévriers de race 8
Marqués de feu 4
Tous les quatre ont l'oreille basse, 8
Ils n'ont pas trouvé l'oiseau bleu. 8
L'oiseau bleu couleur de pervenche 8
50 Est là pourtant, 4
Perché sur la plus haute branche, 8
Au bois chantant, 4
L'oiseau voltige et l'arbre penche 8
Et le prince ébloui l'entend. 8
55 « Là bas, là bas dans la ravine, 8
« O fils de roi, 4
« Dans la vieille tour en ruine, 8
« Songeant à toi, 4
« Une belle file, et se mine 8
60 « D'amour en l'attendant, suis-moi. » 8
« Cette belle au rouet pensive 8
« Au fond des bois, 4
« Dans la vieille tour en ogive, 8
« Manants et rois, 4
65 « Ombre adorable et fugitive, 8
« Tous un jour l'ont vue autrefois ? 8
« Où cela ? Voila le mystère 8
« Pour la revoir 4
« Tous sont retournés en arrière… 8
70 « Le vieux manoir 4
« Était toujours dans la clairière, 8
« Mais tous ont passé sans le voir. 8
« La rampe en fer s'effrite et penche 8
« A l'escalier. 4
75 « Une grande aubépine blanche 8
« Fleurit au pied » 4
Et l'oiseau va de branche en branche 8
Suivi du prince extasié. 8
Par la forêt et la ravine 8
80 Tous deux au soir 4
Arrivent au bois d'aubépine 8
O désespoir ! 4
Fille et donjon sont en ruine. 8
La belle a l'âge du manoir. 8
85 Depuis cent ans qu'à la fenêtre, 8
Au vent glacé 4
Elle attend sans le voir paraître 8
Le fiancé, 4
L'amour ne veut plus la connaître 8
90 Et chacun s'arrête au fossé. 8
Sourde, aveugle et parcheminée 8
Et les doigts las, 4
La fileuse tousse inclinée 8
Sur les gravats, 4
95 La cendre emplit la cheminée 8
Et la tour est un galetas. 8
« Ta nymphe est aïeule et sorcière 8
« Oiseau félon, » 4
Debout au fond de la clairière 8
100 Le nain Rollon 4
Montre du doigt la filandière 8
Et l'écho rit dans le vallon. 8
« Appelle en vain, à toi, main forte. 8
« Ivre d'effroi, 4
105 « Meurtris tes poings, heurte à la porte 8
« Ton front de roi, 4
« Le bois est fée et ton escorte 8
« Ne peut plus parvenir À toi. 8
« Tu veux retourner en arrière 8
110 « Vœux superflus. 4
« Dans le donjon rongé de lierre 8
« Aux bois touffus 4
« Tu resteras ta vie entière ! 8
« Le présent ne t'appartient plus ! » 8
115 Un charme étrange et doux m'attire 8
Au fond des bois. 4
Est-ce une flûte qui soupire ? 8
Est-ce une voix ? 4
Le chœur joyeux du dieu Satyre 8
120 Y tourne-t-il comme autrefois ? 8
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