Métrique en Ligne
LOR_2/LOR109
Jean LORRAIN
LA FORÊT BLEUE
1883
LA FORÊT BLEUE
LA HALTE
SOUS BOIS I
A VICTOR HUGO
Les prés ont reverdi, l'Aurore, 8
Au fond des grands bois rajeunis, 8
Pour nous vient de renaître encore 8
Dans le gai bruissement des nids. 8
5 Comme un jeune dieu qui s'éveille, 8
Ivre de lumière et d'air pur, 8
L'Aurore est là qui rit, vermeille, 8
Les pieds baignés d'ombre et d'azur. 8
Dans l'herbe un bleu tourbillon d'ailes, 8
10 De mésanges, de papillons, 8
Monte à ses lèvres immortelles, 8
Dont les rires sont des rayons. 8
Dans les parfums, dans les murmures, 8
La fleur, cet astre du hallier, 8
15 S'allume au fond vert des ramures, 8
Piquant d'or l'ombre du sentier. 8
La chèvre au penchant des ravines 8
S'arrête, tressaillante au vent… 8
Sous la rougeur des aubépines 8
20 Monte le rut âpre, énervant… 8
Tout aime, une acre odeur de sève 8
Enivre l'ombre, où mille voix 8
Jasent, raillant Avril qui rêve, 8
Grisé d'amour au fond des bois. 8
25 C'est le moment, où le troène 8
Raconte aux roseaux, ces bavards, 8
Le sénil amour de Silène 8
Et le crime des nénuphars… 8
Des bras nus, des blanches épaules, 8
30 Sourires de l'ombre éclatants, 8
Rayonnent au travers des saules… 8
Salut Avril, c'est le printemps… ! 8
Saison charmante, où sous les aulnes 8
Lycoris auprès de Gallus, 8
35 Voyait tourner des pieds de faunes, 8
Le soir dans la brume entrevus ! 8
O viens, l'heure est propice et chère, 8
Tandis qu'ébloui de clarté, 8
Avril debout dans la clairière 8
40 Rit à sa fauve nudité, 8
Viens dans les bois, où l'ombre est douce, 8
Près de la source au flot menteur, 8
Nous déroberons sur la mousse 8
La flûte de Pan l'enchanteur, 8
45 La flûte à sept trous, que-Virgile 8
Trouva sur l'Hémus autrefois, 8
Et nous en ferons une idylle… 8
O viens avec moi dans les bois. 8
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