Métrique en Ligne
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Jean LORRAIN
LE SANG DES DIEUX
1882
II
PARFUMS ANCIENS
POURQUOI NOUS OBSTINER, MA CHÈRE…
I
A SULLY-PRUDHOMME
POURQUOI nous obstiner, ma chère, 8
A vouloir dans un vain effort 8
Rallumer la flamme éphémère 8
Au foyer désormais bien mort ? 8
5 Quand la source claire est tarie, 8
Les pleurs de nos yeux arrachés 8
Feront-ils, ô ma douce amie, 8
Refleurir les roseaux séchés ? 8
Vous m'avez pris saignant encore, 8
10 Le cœur meurtri d'un autre amour. 8
Vous avez cru voir une aurore 8
Dans l'adieu d'un dernier beau jour. 8
Votre erreur, enfant, m'était chère, 8
Ce rêve avait tant de douceur, 8
15 Vous aviez les soins d'une mère 8
Et la réserve d'une sœur. 8
Et je jouissais en égoïste 8
De votre touchant abandon, 8
Lisant dans votre regard triste 8
20 L'espoir assuré du pardon. 8
Ce n'était pas coquetterie, 8
Je vous jure, ni trahison, 8
Mais ma pauvre âme était meurtrie, 8
Et vous étiez la guérison. 8
25 Sur la plaie encor mal fermée, 8
Au moindre coup prête à s'ouvrir, 8
J'aimais sentir l'ombre embaumée 8
De vos mains fondre et s'attendrir. 8
Je le sais, j'aurais dû vous dire : 8
30 Non, je n'aime pas ! mais comment ? 8
Comment repousser le sourire ? 8
Comment chasser le dévoûment ? 8
Je sais, je fus un misérable, 8
J'ai mis mon front sur vos genoux 8
35 Et ce que j'implorais de vous 8
N'était pas l'amour adorable. 8
Je fus le chien indifférent 8
Qui rôde, affamé de caresse, 8
Apitoyant sur sa détresse, 8
40 Le long des grands chemins errant. 8
Je n'eus point la reconnaissance 8
Mais j'aurai la sincérité 8
Car je vous livre la vengeance : 8
Le mépris de ma lâcheté. 8
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