PIÈCES DIVERSES ATTRIBUÉES A LA FONTAINE |
XI |
A MADAME D. L. S |
[1678]
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De votre aimable et chère idée, |
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Mon âme toujours possédée, |
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Parmi les plaisirs les plus doux, |
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Ne vit et n'entretint que vous. |
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Qu'une amoureuse rêverie, |
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Remplissant mon esprit de plaisirs innocents |
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Qui faisoient autrefois le bonheur de ma vie, |
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Me ravit l'usage des sens ; |
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Mon corps, tout à coup immobile, |
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Et mes yeux sur la terre attachés sans la voir, |
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Faisoient assez juger qu'au dedans peu tranquille, |
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Mon cœur sur ses transports n'avoit plus de pouvoir. |
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
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Je vis ce jeune enfant que je tiens à mes gages, |
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Et qui, tant que pour vous je n'ai point soupiré, |
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Me servoit de guide assuré |
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En cent lieux différents où j'offrois mes hommages. |
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
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Si mille petits soins me témoignent son zèle, |
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Mille feux, dans mon cœur allumés tour à tour, |
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N'ont que trop fait voir qu'à l'Amour |
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Je n'ai jamais été rebelle. |
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Il me vient voir souvent : nous nous parlons tous deux, |
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Mais c'est toujours avec mystère ; |
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Il dit qu'aux desseins amoureux |
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Trop d'éclat est contraire ; |
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Il ne se montre aussi qu'à moi seul, et la nuit ; |
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Ou bien, quand dans un bois, loin du monde et du bruit, |
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Le sommeil, à mes yeux dérobant la lumière, |
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M'oblige à fermer la paupière, |
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Alors, paroissant, sans effroi, |
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Il parle et s'explique avec moi. |
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Les divinités des fables |
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S'apprivoisent aisément, |
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Mais, quoiqu'elles soient traitables, |
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On ne les voit qu'en dormant. |
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Le pauvre enfant, honteux et dans l'effroi |
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D'être banni d'auprès de moi, |
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Par un torrent de larmes |
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Me faisoit voir sa peine et ses alarmes, |
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D'abord, auprès de moi vous prîtes votre place, |
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Et mon petit Amour, pour fléchir mon courroux, |
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Vint se jeter à vos genoux, |
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Sûr par vous d'obtenir sa grâce. |
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Sensible à ses soupirs, vous les reçûtes bien ; |
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Vous lui fîtes quelques caresses. |
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Je ne fus point de tout votre entretien, |
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Mais il vous dit pour moi mille et mille tendresses. |
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Enfin je me laissai toucher, |
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Et ne pus contre lui plus longtemps me fâcher. |
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Je lui pardonnai donc, et ce fut pour vous plaire. |
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Quoique le ciel m'ait fait un esprit assez doux, |
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S'il se fût appuyé d'un autre que de vous, |
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Il n'auroit pas sitôt apaisé ma colère. |
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Après cela, devenu familier, |
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Ce petit dieu, dont l'humeur enfantine |
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Est toujours folâtre et badine, |
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S'assit sur vos genoux, sans se faire prier. |
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Il vous baisa : vous le laissâtes faire, |
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Et tout cela n'étoit pas sans mystère. |
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Enfin, ayant longtemps admiré vos appas, |
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Il s'endormit entre vos bras. |
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
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« Ainsi donc, me dit-il, je ne puis plus voler ! |
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Ainsi, cette beauté, qui me laisse sans ailes, |
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Des peines les plus cruelles |
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N'aura qu'à nous accabler. |
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Nous gémirons tous deux dans un long esclavage, |
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Sans pouvoir de ses mains enlever votre cœur, |
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Si, joignant contre nous l'injustice à l'outrage, |
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Elle nous traite un jour avec trop de rigueur ! » |
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