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LFT_4/LFT490
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
PIÈCES DIVERSES ATTRIBUÉES A LA FONTAINE
II
SUR LES CONQUÊTES
DU ROI EN HOLLANDE
VIRELAI NOUVEAU ET FORT PLAISANT
Les pauvres marchands d'épice 7
Crèvent comme une saucisse ; 7
Les pauvres marchands d'épice 7
N'ont plus ni beurre ni lard ! 7
5 Le Coq et le Léopard 7
Bourrent le Lion bâtard. 7
Ce peuple lâche et couard, 7
Qui, plus fier que jaquemart 7
Et que le frère d'Alard, 7
10 De Richard et de Guichard, 7
Quand il montoit son Bayard, 7
Avoit chargé le brassard, 7
La pique et le braquemard, 7
Et, comme un autre Narcisse, 7
15 Se miroit dans son plumard : 7
Sitôt que notre milice 7
A fait voler l'étendard, 7
Et, plus froid qu'un coquemard, 7
Dès qu'il entend le pétard, 7
20 La grenade et la saucisse 7
Sous le pied de son rempart, 7
Il marche à pas d'écrevisse 7
Et plonge comme un canard. 7
Le Ciel, ennemi du vice, 7
25 Par un coup de sa justice, 7
Punit de son avarice 7
Ce peuple juif et lombard ; 7
Grâces à frère Frappart, 7
Cet infidèle cafard 7
30 Nous rend temple et bénéfice, 7
Et rétablit le service 7
Et le divin sacrifice. 7
Leur capital édifice 7
N'a plus sur le frontispice 7
35 Ni devise ni placard. 7
Ils apprennent, mais trop tard, 7
Que vaut l'aune de brocard, 7
Ces avaleurs de calice ! 7
Ces grosses panses de Suisse, 7
40 Ces ventres à la godard 7
Crèvent comme une saucisse ; 7
Leur cochon et leur génisse, 7
Sucre, cannelle et bézouard, 7
Sont dans les mains du pillard. 7
45 Les pauvres marchands d'épice 7
N'ont plus ni beurre ni lard ! 7
Leurs dames à blanche cuisse, 7
De qui l'eau fraîche est le fard, 7
Au teint vif, au doux regard, 7
50 Pucelle, femme et nourrice, 7
Qui, d'un air libre et gaillard, 7
Avec le patin mignard 7
Et la cape de Béart, 7
Sans roulette et sans coulisse, 7
55 Glissoient sur l'eau par délice 7
Ou dansoient le traquenard, 7
Quittent ce doux exercice, 7
Et, le teint pâle et blafard, 7
Et plus sèches qu'une éclisse, 7
60 Se meurent de la jaunisse, 7
Près de leur pauvre cornard. 7
Leur grand et fameux vieillard, 7
Ce vénérable patrice, 7
Ce grand juge de police, 7
65 Plus fin que maître Mouchard 7
Et plus subtil qu'Escobar ; 7
Cet homme plein d'artifice, 7
Et plus fourré de malice 7
Que d'ouate et de pelisse, 7
70 Près de notre sage Ulysse, 7
Passe pour un vieux penard 7
Très-malhabile en son art : 7
Et de ce peuple hagard, 7
Qui, dès le moindre caprice, 7
75 Sur le plus léger indice, 7
Veut toujours qu'on le trahisse, 7
Craint la corde et le poignard. 7
L'héritier du grand Maurice, 7
En apparence un novice, 7
80 Mais, en effet, un renard, 7
Se tient toujours à l'écart 7
Et joue à colin-maillard, 7
Et, guettant l'heure propice, 7
Chicane autour du braillard, 7
85 Qui, par ligue et par brocard, 7
Choquant le tiers et le quart, 7
Et, croyant leur faire office, 7
Les mit dans le précipice. 7
Voyant lever le brouillard, 7
90 Il s'est sauvé de la hart, 7
Que mérite le pendard, 7
Ou d'un plus rude supplice, 7
Par un sage et prompt départ, 7
Et cherche ailleurs un hospice. 7
95 Là maintenant ce jocrisse, 7
Cet impertinent bavard 7
Rit du ris de saint Médard, 7
Tandis que maint Savoyard, 7
Au teint more, au nez camard, 7
100 Vêtu de papier brouillard 7
Et de plumes de coquard, 7
En pèlerin de Galice, 7
D'un gosier dont l'orifice 7
Ressemble au trou Saint-Patrice, 7
105 Chante au Pont-Neuf pour un liard : 7
Les pauvres marchands d'épice 7
S'en vont au Montélimart ; 7
Les pauvres marchands d'épice 7
N'ont plus ni beurre ni lard ! 7
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