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LFT_4/LFT486
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
LETTRES À DIVERS
XXXI
A S. A. S. Mgr LE PRINCE DE CONTI
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On dormoit ici quand le roi, 8
Ayant ses raisons, et très-sages, 8
Parmi les gens d'un haut emploi 8
A fait un vrai remu-ménage, 8
5 Et mis Harlay premièrement 8
A la tête du parlement. 8
Il en est digne, et j'ose dire 8
Que Thémis en tout son empire 8
Trouveroit à peine aujourd'hui 8
10 Un oracle approchant de lui. 8
Ne plaidez qu'ayant bonne cause ; 8
C'est maintenant la seule chose 8
Qui peut faire au gain du procès. 8
Vous contestez avec succès 8
15 Pardevant le dieu des alarmes, 8
Appuyé du seul droit des armes : 8
Harlay règle d'autres débats, 8
Où, je crois, vous n'excellez pas. 8
Ni la grandeur ni la vaillance 8
20 Ne font incliner sa balance. 8
Son éloge entier iroit loin : 8
J'aime mieux garder avec soin 8
La loi que l'on se doit prescrire 8
D'être court, et ne pas tout dire. 8
25 Pour éviter donc la longueur 8
Qui met les choses en langueur, 8
Pontchartrain règle les finances. 8
Si jamais j'ai des ordonnances, 8
Ce qui n'est pas près d'arriver, » 8
30 Il saura du moins me sauver 8
Le chagrin d'une longue attente, 8
Et lira d'abord ma patente. 8
Homme n'est plus expéditif, 8
Mieux instruit, ni plus inventif, 8
35 Talents aujourd'hui nécessaires. 8
La Briffe est chargé des affaires 8
Du public et du souverain. 8
Au gré de tous il sut enfin 8
Débrouiller ce chaos de dettes 8
40 Qu'un maudit compteur avoit faites. 8
Ce n'est pas là le seul essai 8
Qui le rend successeur d'Harlay. 8
Ce poste, avec celui qu'il quitte, 8
Demandoit un ample mérite 8
45 Au sujet qu'on a placé là. 8
Hardi quiconque le suivra ! 8
Non que Louis, par sa sagesse, 8
Ne puisse en conserver l'espèce ; 8
Tout le bien que j'ai dit d'autrui 8
50 Retombe à juste droit sur lui. 8
Il doit ce nouvel ornement 8
A son mérite seulement. 8
Ses soins, dignes que la fortune 8
Avec eux veuille concourir, 8
55 Sauront bientôt partout offrir 8
L'abondance en ces lieux commune ; 8
Sur les deux mers nos matelots, 8
Quelque inconstants que soient les flots, 8
Sauront ménager pour nos voiles 8
60 L'aide des vents et des étoiles. 8
Ne doutez point qu'en son emploi 8
Redoublant ses soins et son zèle, 8
Sous la conduite de son roi 8
Le nouveau ministre n'excelle. 8
65 N'avons-nous pas vu de nos bords 8
Une double flotte réduite 8
Et se renfermer dans ses ports, 8
Mettant son salut dans sa fuite ? 8
Le travail y croît, j'en conviens ; 8
70 Mais tels maux en cour sont des biens, 8
Et Seignelay peut y suffire. 8
On le voit sur-le-champ écrire 8
Touchant des points très-importants, 8
Mieux que moi, seigneur, c'est peu dire : 8
75 Mieux qu'aucun écrivain du temps. 8
Pour passer à d'autres matières, 8
Vous saurez qu'on m'a dit naguères 8
Que cet hiver-ci l'opéra 8
A Rome se rétablira. 8
80 Cela me semble un bon augure 8
En la présente conjoncture, 8
Et commence à sentir la paix : 8
Je ne pense pas qu'elle échappe 8
Aux premiers soins du nouveau pape. 8
85 Si le Saint-Esprit mit jamais 8
Quelqu'un au trône de saint Pierre 8
Pour qui le démon de la guerre 8
Eut de la crainte et du respect, 8
C'est Alexandre ; car, sans dire 8
90 Qu'à nul état il n'est suspect, 8
Il a tout ce que l'on désire, 8
Expérience, fermeté, 8
Justice et sagesse profonde. 8
L'Olympe interpose au traité 8
95 La première tête du monde 8
En bon sens comme en dignité. 8
Dès à présent sa sainteté 8
S'en va cet ouvrage entreprendre. 8
O Paix ! ne te fais point attendre. 8
100 Veux-tu que pour toi l'univers 8
Soupire encore deux hivers ? 8
Fille du ciel et d'Alexandre, 8
Car je te garde tous ces noms, 8
Renvoie au Nord les aquilons ; 8
105 Fais qu'avec eux Mars se retire, 8
Faisant place à Flore, à Zéphyre. 8
Citer ces dieux, me va-t-on dire, 8
En parlant du pape, est-il bien ? 8
Non ; mais l'art des poëtes n'est rien, 8
110 Leurs discours n'ont beauté ni grâce, 8
Sans ce langage du Parnasse. 8
Qu 'Apollon s'exprime en païen, 8
Trouve-t-on cela fort étrange ? 8
Pour bannir pourtant ce mélange, 8
115 Et parler du pape en chrétien, 8
Souhaitons que Dieu l'illumine, 8
Et que la paix, par son moyen, 8
Vers les fidèles s'achemine 8
Avec l'assistance divine 8
120 Qu'un jubilé procurera. 8
Dès que le poëte lui verra 8
Réunir la chose publique, 8
D'ici sans peine il partira, 8
Et les vers il entonnera 8
125 De Siméon dans son cantique ; 8
Mais il veut vivre jusque-là. 8
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