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LFT_4/LFT484
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
LETTRES À DIVERS
XXIX
AU MÊME
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J'ai rang parmi les nourrissons 8
Qui sont chers aux doctes pucelles, 8
Et souvent j'ose en mes chansons 8
Célébrer des rois et des belles. 8
5 Cependant mon art est ici 8
Bien au-dessous de la matière. 8
Je n'entreprendrai pas aussi 8
De louer Bourbon tout entière. 8
Elle plaît ; il n'est point de cœurs 8
10 Qui n'en rendent un témoignage. 8
De ce don aux charmes vainqueurs 8
Les Grâces font leur apanage. 8
Bourbon sait sur nous exercer 8
Une aimable et douce puissance ; 8
15 Elle ravit sans y penser : 8
Que fait-elle lorsqu'elle y pense ? 8
En ses yeux un feu luit toujours, 8
De qui toute âme est tributaire. 8
Celui qui brille en ses discours 8
20 N'est pas moins assuré de plaire. 8
Je me souviens d'avoir écrit, 8
Fondé sur des raisons puissantes, 8
Que sans les beautés de l'esprit 8
Celles du corps sont languissantes. 8
25 Celui-ci fait naître l'amour ; 8
Mais l'autre empêche qu'il ne meure,' 8
Surtout quand au même séjour 8
Une belle âme a sa demeure. 8
J'ai cité Bourbon à propos : 8
30 Joignez tout ce mérite insigne, 8
Il n'est déesse ni héros 8
Qui de notre encens soit si digne. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pour nouvelles de l'Italie, 8
Le pape empire tous les jours. 8
35 Expliquez, seigneur, ce discours 8
Du côté de la maladie ; 8
Car aucun saint-père autrement 8
Ne doit empirer nullement. 8
Celui-ci véritablement 8
40 N'est envers nous ni saint ni père : 8
Nos soins, de l'erreur triomphants, 8
Ne font qu'augmenter sa colère 8
Contre l'aîné de ses enfants. 8
Sa santé toujours diminue. 8
45 L'avenir m'est chose inconnue, 8
Et je n'en parle qu'à tâtons ; 8
Mais les gens de delà les monts 8
Auront bientôt pleuré cet homme ; 8
Car il défend les Jeannetons, 8
50 Chose très-nécessaire à Rome. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Je me contente à moins qu'Horace : 8
Quand l'objet en mon cœur a place, 8
Et qu'à mes yeux il est joli, 8
Do nomen quodlibet illi. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
55 Halifax, Bentinck, et Danby, 8
N'ont qu'à chercher quelque alibi 8
Pour justifier leur conduite. 8
Quoi qu'en puisse dire la suite, 8
C'est un très-mauvais incident. 8
60 Halifax sembloit fort prudent. 8
Danby, je ne le connois guère. 8
Bentinck à son maître sut plaire. 8
Jusqu'à quel point, je n'en dis mot : 8
S'il n'eût été qu'un jeune sot, 8
65 Comme sont tous les Ganymèdes, 8
On auroit enduré de lui, 8
Et dans la pièce d'aujourd'hui 8
Bentinck feroit peu d'intermèdes ; 8
Mais prompt, habile, diligent 8
70 A saisir un certain argent, 8
Somme aux inspecteurs échappée, 8
Il a du côté de l'épée 8
Mis, ce dit-on, quelques deniers. 8
Après tout, est-il des premiers 8
75 A qui pareille chose arrive ? 8
Ne faut-il pas que chacun vive ? 8
Cependant il a quelque tort, 8
Si le gain est un peu trop fort, 8
Vu les Anglois et leurs coutumes. 8
80 Le proverbe est bon, selon moi, 8
Que, qui l'oue a mangé du roi, 8
Cent ans après en rend les plumes. 8
Manger celle du peuple anglois 8
Est plus dangereux mille fois. 8
85 Bentinck nous en saura que dire : 8
Je n'y vois pour lui point à rire, 8
On va lui barrer bien et beau 8
Le chemin aux grandes fortunes. 8
Dieu me garde de feu et d'eau, 8
90 De mauvais vin dans un cadeau. 8
D'avoir rencontres importunes, 8
De liseurs de vers sans répit, 8
De maîtresse ayant trop d'esprit, 8
Et de la chambre des communes ! 8
95 Londonderry s'en va se rendre, 8
Voilà ce qu'on me vient d'apprendre : 8
Mais dans deux jours je m'attends bien 8
Qu'un bruit viendra qu'il n'en est rien. 8
J'ai même encor certain scrupule : 8
100 Ce siège est-il un siège, ou non ? 8
Il ressemble à l'Ascension, 8
Qui n'avance ni ne recule. 8
Jacque aura monté sa pendule 8
Plus d'une fois avant qu'il ait 8
105 Tous ces rebelles à souhait. 8
On leur a mené pères, mères, 8
Femmes, enfants, personnes chères, 8
Qu'on retient par force entassés 8
Comme moutons dans les fossés. 8
110 Cette troupe aux assiégés crie : 8
Rendez-vous, sauvez-nous la vie ! 8
Point de nouvellesnouvelle ; au diantre l'un 8
Qui ne soit sourd. Le bruit commun 8
Est qu'ils n'ont plus de quoi repaître. 8
115 A la clémence de leur maître 8
Ils se devroient abandonner. 8
Et puis, allez-moi pardonner 8
A cette maudite canaille ! 8
Les gens trop bons et trop dévots 8
120 Ne font bien souvent rien qui vaille. 8
Faut-il qu'un prince ait ces défauts ? 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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