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LFT_4/LFT482
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
LETTRES À DIVERS
XXV
A M. L'ABBÉ VERGER
A BOIS-LE-VICOMTE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ma lettre vous fera rire. 7
Je vous entends déjà dire : 7
Cet homme n'est-il pas fou 7
Dans l'entreprise qu'il tente ? 7
5 Il est plus près du Pérou 7
Qu'il n'est du cœur d'Amarante. 7
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Amarante est jeune et belle ; 7
Je suis vieux sans être beau, 7
Et vais pour quelque rebelle 7
10 M'embarquer tout de nouveau. 7
Plus je songe en mon cerveau 7
De combien peu d'apparence 7
Seroit pour moi l'espérance 7
De la toucher quelque jour, 7
15 Plus je vois que c'est folie 7
D'aimer fille si jolie, 7
Sans être le dieu d'Amour. 7
Amarante et le printemps 7
Ont un air qui se ressemble : 7
20 Voici comme je prétends 7
Que l'on les compare ensemble. 7
Par les lis premièrement 7
J'entame ce parallèle, 7
Soupçonnant aucunement 7
25 Ceux qu'Amarante recèle. 7
Je suis trompé si son sein 7
N'en est un plein magasin. 7
Le mal est que ce sont choses 7
Pour vous et moi lettres closes. 7
30 Nous sommes simples mortels : 7
Il faut offrir des autels 7
A ces lis ; nul diadème 7
N'est digne d'en approcher, 7
Bien moins encor d'y toucher. 7
35 Je crois que Jupiter même, 7
Tout Jupiter qu'il se dit, 7
N'en auroit pas le crédit, 7
Sans l'hymen et son attache. 7
Ces endroits délicieux 7
40 Pour nos mains et pour nos yeux 7
Ne sont pas faits, que je sache. 7
Que ne suis-je de ces dieux 7
Nommé rois en ces bas lieux ! 7
Bientôt par moi ces deux titres, 7
45 A la belle dédiés, 7
Se verroient mis à ses pieds ; 7
Et vous, bientôt vous auriez 7
Le revenu de deux mitres : 7
L'une est Saint-Germain-des-Prés ; 7
50 L'autre, Saint-Denis en France. 7
Voilà votre révérence 7
Ayant musique, où l'on va 7
Plus souvent qu'à l'Opéra. 7
L'on n'y reçoit que les bonnes 7
55 Et les honnêtes personnes ; 7
C'est à vous sagement fait. 7
Hélas ! ce n'est qu'un souhait, 7
Votre table est renversée, 7
Votre marmite est cassée. 7
60 Peu chanceux, et vous et moi, 7
Nous n'avons eu de nos vies, 7
Moi, l'encolure d'un roi, 7
Ni vous, celle, en bonne foi, 7
D'un homme à deux abbayes. 7
65 Pour revenir à nos lis, 7
Ils sont relevés de roses ; 7
Ceux-là tout nouveau fleuris, 7
Celles-ci fraîches écloses. 7
Ici la comparaison 7
70 De la nouvelle saison 7
Cloche un peu, je vous l'avoue ; 7
Et la beauté que je loue, 7
Par ces trésors éclatants, 7
Fait honte à ceux du printemps. 7
75 Comment pourrois-je décrire 7
Des regards si gracieux ? 7
Il semble, à voir son sourire, 7
Que l'Aurore ouvre les cieux. 7
Il faut aimer Amarante 7
80 D'une ardeur persévérante. 7
Adieu, volages amours ; 7
Selon l'objet, la constance : 7
Celui-ci, j'en ai croyance, 7
M'arrêtera pour toujours. 7
85 Si ceci plaît à la belle, 7
Dites-lui que les neuf Sœurs 7
Me font réserver pour elle 7
Encore d'autres douceurs. 7
Cette saison printanière 7
90 Ne sera pas la dernière 7
Des comparaisons qu'Amour 7
Va m'inspirer à la cour 7
De cette jeune bergère. 7
Une autre fois, je l'espère, 7
95 Je ferai, moyennant Dieu, 7
Quelque reine de Cythère, 7
D'Amarante de Beaulieu. 7
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