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LFT_4/LFT479
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
LETTRES À DIVERS
XXI
AU MÊME
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J'ai vu le temps qu'Iris (et c'étoit l'âge d'or 12
Pour nous autres gens du bas monde), 8
J'ai vu, dis-je, le temps qu'Iris goûtoit encoreencor, 12
Non cet encens commun dont le Parnasse abonde : 12
5 Il fut toujours, au sentiment d'Iris, 10
D'une odeur importune ou plate ; 8
Mais la louange délicate 8
Avoit auprès d'elle son prix. 8
Elle traite aujourd'hui cet art de bagatelle ; 12
10 Il l'endort ; et, s'il faut parler de bonne foi, 12
L'éloge et les vers sont pour elle 8
Ce que maints sermons sont pour moi. 8
J'eusse pu m'exprimer de quelque autre manière ; 12
Mais, puisque me voilà tombé sur la matière, 12
15 Quand le discours est froid, dormez-vous pas aussi ? 12
Tout homme sage en use ainsi. 8
Quarante beaux-esprits l certifieront ceci. 12
Nous sommes tout autant, qui dormons comme d'autres 12
Aux ouvrages d'autrui, quelquefois même aux nôtres. 12
20 Que cela soit dit entre nous. 8
Passons sur cet endroit : si j'étendois la chose, 12
Je vous endormirais ; et ma lettre pour vous 12
Deviendrait ; en vers comme en prose, 8
Ce que maints sermons sont pour tous. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25 C'est un plaisir de voir Sylvie : 8
Mais n'espérez pas que mes vers 8
Peignent tant de charmes divers, 8
J'en aurois pour toute ma vie. 8
S'il prenoit à quelqu'un envie 8
30 D'aimer ce chef-d'œuvre des cieux, 8
Ce quelqu'un, fût-il roi des dieux, 8
En auroit pour toute sa vie. 8
Votre âme en est encor ravie, 8
J'en suis sûr, et dis quelquefois : 8
35 Jamais cette beauté divine 8
N'affranchit un cœur de ses lois. 8
Notre intendant de la marine 8
A beau courir chez les Anglois ; 8
Puisqu'une fois il l'a servie, 8
40 Qu'il aille et vienne à ses emplois, 8
Il en a pour toute sa vie. 8
Que cette ardeur, où nous convie 8
Un objet si rare et si doux, 8
Ne soit de nulle autre suivie, 8
45 C'est un sort commun pour nous tous ; 8
Mais je m'étonne de l'époux, 8
Il en a pour toute sa vie. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mes philosophes cuits, j'ai voulu que Socrate, 12
Et Saint-Diél mon fidèle Achate, 8
50 Et de la gent porte-écarlate 8
D'Hervart tout l'ornement, avec le beau berger 12
Verger, 2
Pussent avoir quelque musique 8
Dans le séjour philosophique. 8
55 Vous vous moquez de mon dessein. 8
J'ai cependant un clavecin. 8
Un clavecin chez moi ! Ce meuble vous étonne. 12
Que direz-vous si je vous donne 8
Une Chloris de qui la voix 8
60 Y joindra ses sons quelquefois ? 8
La Chloris est jolie et jeune ; et sa personne 12
Pourrait bien ramener l'amour 8
Au philosophique séjour. 8
Je l'en avois banni : si Chloris le ramène, 12
65 Elle aura chansons sur chansons ; 8
Mes vers exprimeront la douceur de ses sons. 12
Qu'elle ait à mon égard le cœur d'une inhumaine, 12
Je ne m'en plaindrai point, n'étant bon désormais 12
Qu'à chanter les Chloris et les laisser en paix. 12
70 Vous autres chevaliers tenterez l'aventure ; 12
Mais de la mettre à fin, fût-ce le beau berger 12
Qu'Œnone eut autrefois le pouvoir d'engager, 12
Ce n'est pas chose qui soit sûre. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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