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LFT_4/LFT465
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES II
1656-1696
LETTRES DE LA FONTAINE À SA FEMME
V
A LA MÊME
SUITE DU MÊME VOYAGE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Même elle est en une posture 8
Toute prête à prendre l'essor ; 8
Un pied dans l'air, à chaque main un cor, 10
Légère et déployant les ailes, 8
5 Comme allant porter les nouvelles 8
Des actions de Richelieu, 8
Cardinal, duc et demi-dieu : 8
Telle enfin qu'elle devoit être 8
Pour bien servir un si bon maître ; 8
10 Car tant moins elle a de loisir, 8
Tant plus on lui fait de plaisir. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L'un toutefois de son destin soupire, 10
L'autre paroît un peu moins mutiné. 10
Heureux captifs ! si cela se peut dire 10
15 D'un marbre dur et d'un homme enchaîné. 10
Je ne voudrais être ni l'un ni l'autre 10
Pour embellir un séjour si charmant ; 10
En d'autres cas, votre sexe et le nôtre 10
De l'un des deux se pique également. 10
20 Nous nous piquons d'être esclaves des dames ; 10
Vous vous piquez d'être marbres pour nous ; 10
Mais c'est en vers, où les fers et les flammes 10
Sont fort communs et n'ont rien que de doux. 10
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Qu'on ne se plaigne pas que la chose ait été 12
25 Imparfaite trouvée, 6
Le prix en est plus grand, l'auteur plus regretté 12
Que s'il l'eût achevée. 6
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De quoi je ne lui sais aucunement bon gré ; 12
Car d'autres gens m'ont dit qu'ils avoient admiré 12
30 Ce degré, 3
Et qu'il est de marbre jaspé. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pour la plupart environ grands 8
Comme des miroirs de toilette ; 8
Si nous eussions eu plus de temps, 8
35 Moins de hâte, une autre interprète, 8
Je vous dirois de quelles gens. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et dans l'art de niveler, 7
L'auteur de ce saint Jérôme 7
Devoit sans doute exceller 7
40 Sur tous les gens du royaume. 7
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Elle est de pièces de rapport, 8
Et chaque pièce est un trésor ; 8
Car ce sont toutes pierres fines, 8
Agates, jaspe et cornalines, 8
45 Pierres de prix, pierres de nom, 8
Pierres d'éclat et de renom : 8
Voilà bien de la pierrerie. 8
Considérez que de ma vie 8
Je n'ai trouvé d'objet qui fût si précieux. 12
50 Ce qu'on prise aux tapis de Perse et de Turquie, 12
Fleurons, compartiments, animaux, broderie, 12
Tout cela s'y présente aux yeux. 8
L'aiguille et le pinceau ne rencontrent pas mieux. 12
J'en admirai chaque figure ; 8
55 Et qui n'admireroit ce qui naît sous les cieux ? 12
Le savoir de Pallas, aidé de la teinture, 12
Cède au caprice heureux de la simple nature : 12
Le hasard produit des morceaux 8
Que l'art n'a plus qu'à joindre, et qui font sans peinture 12
60 Des modèles parfaits de fleurons et d'oiseaux. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et pour dire en un mot, la reine des agates. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Des tords où le soleil commence sa carrière. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ce palais si fameux des princes de Florence, 12
Riche et brillant séjour de la magnificence ; 12
65 Le trésor de Saint-Marc ; celui dont les François 12
Recommandent la garde aux cendres de leurs rois ; 12
Les vastes magasins dont le sérail abonde, 12
Magasins enrichis des dépouilles du monde ; 12
Jule enfin n'eut jamais rien de plus précieux. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
70 Saint-Denis, et Saint-Marc, le palais du grand-duc, 12
L'hôtel de Mazarin, le sérail du grand Turc, 12
N'ont rien, à ce qu'on dit, de plus considérable. 12
Je me suis informé du prix de cette table : 12
Voulez-vous le savoir ? Mettez cent mille écus, 12
75 Doublez-les, ajoutez cent autres par-dessus ; 12
Le produit en sera la valeur véritable. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Comme au soir, lorsque l'ombre arrive en un séjour, 12
Ou lorsqu'il n'est plus nuit, et n'est pas encor jour. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mânes du grand Armand, si ceux qui ne sont plus 12
80 Peuvent goûter encor des honneurs superflus, 12
Recevez ce tribut de la moindre des Muses. 12
Jadis de vos bontés ses sœurs étoient confuses ; 12
Aussi n'a-t-on point, vu que d'un silence ingrat 12
Phébus de vos bienfaits ait étouffé l'éclat. 12
85 Ses enfants ont chanté les pertes de l'Ibère, 12
Et le destin forcé de nous être prospère, 12
Partout où vos conseils, plus craints que le dieu Mars, 12
Ont porté la terreur de nos fiers étendards ; 12
Ils ont représenté les vents et la fortune 12
90 Vainement indignés du tort fait à Neptune, 12
Quand vous tîntes ce dieu si longtemps enchaîné. 12
Le rempart qui couvroit un peuple mutiné, 12
Nos voisins envieux de notre diadème, 12
Et les rois de la mer, et la mer elle-même, 12
95 Ne purent arrêter le cours de vos efforts. 12
La Seine vous revit triomphant sur ses bords. 12
Que ne firent alors les peuples du Permesse ! 12
On leur ouït chanter vos faits, votre sagesse, 12
Vos projets élevés, vos triomphes divers ; 12
100 Le son en dure encore aux bouts de l'univers. 12
Je n'y puis ajouter qu'une simple prière : 12
Que la nuit d'aucun temps ne borne la carrière 12
De ce renom si beau, si grand, si glorieux ! 12
Que Flore et les Zéphyrs ne bougent de ces lieux ; 12
105 Qu'ainsi que votre nom leur beauté soit durable ; 12
Que leur maître ait le sort à ses vœux favorable ; 12
Qu'il vienne quelquefois visiter ce séjour, 12
Et soit toujours content du prince et de la cour ! 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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