ÉPITRES |
XX |
À Mgr LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU PARLEMENT |
EN LUI DÉDIAIT DEUX VOLUMES INTITULÉS : |
Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroy et de La Fontaine, EN 1685 |
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Harlay, favori de Trémis, |
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Agréez ce recueil, œuvre de deux amis ; |
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L'un a pour protecteur le démon du Parnasse. |
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L'autre de la tribune étale tous les traits : |
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Donnez-leur chez vous quelque place. |
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Qui les distingue pour jamais. |
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Ils vous présentent leur ouvrage ; |
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Je me suis chargé de l'hommage ; |
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Iris m'en a l'ordre prescrit. |
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Voici ses propres mots, si j'ai bonne mémoire : |
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Acante, le public à vos vers applaudit : |
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C'est quelque chose ; mais la gloire |
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Ne compte pas toujours les voix ; |
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Elle les pèse quelquefois. |
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Ayez celle d'Harlay, lui seul est un théâtre. |
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Veuillent Phébus et Jupiter |
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Qu'il trouve en vous un peu de l'air |
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Des anciens qu'il idolâtre ! |
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Vous pourrez en passant louer, m'a-t-elle dit, |
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La finesse de son esprit |
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Et la sagesse de son âme ; |
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Mais en passant, je vous le dis. |
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Cette Iris, Harlay, c'est la dame |
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À qui j'ai deux temples bâtis, |
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L'un dans mon cœur, l'autre en mon livre. |
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Puisse le dernier assez vivre |
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Pour mériter que l'univers |
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Dise un jour, en voyant mes vers : |
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Cette œuvre est de belle structure ! |
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Qu'en pensoit Harlay ? car on sait |
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Que l'art, aidé de la nature, |
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Avoit rendu son goût parfait. |
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J'aurois ici lieu de m'étendre ; |
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Mais que serviroit-il ? vous vous armez le cœur |
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Contre tous les appas d'un propos enchanteur : |
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L'éloge qui pourroit par ses traits vous surprendre |
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Seroit d'un habile orateur. |
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Cicéron, Platon, Démosthène, |
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Ornements de Rome et d'Athène, |
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N'en viendroient pas à bout. Platon par ses douceurs |
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Vous pourroit amuser un moment, je l'avoue ; |
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C'est le plus grand des amuseurs. |
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Que Cicéron blâme ou qu'il loue, |
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C'est le plus disert des parleurs. |
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L'ennemi de Philippe est semblable au tonnerre ; |
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Il frappe, il surprend, il atterre ; |
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Cet homme et la raison, à mon sens, ne sont qu'un. |
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Vous avez avec lui ce point-là de commun. |
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Le privilége est beau, d'autant plus qu'il est rare : |
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Pendant qu'un peuple entier de la raison s'égare, |
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Cette fille du ciel ne bouge de chez vous ; |
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Elle y plaça son temple avec sa sœur Astrée : |
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La crainte et le respect ont forgé les verrous |
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De cette demeure sacrée. |
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Non qu'on n'y puisse entrer ainsi que chez les dieux : |
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Au moindre des mortels la porte en est ouverte ; |
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Nos vœux y sont ouïs, notre plainte soufferte : |
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L'équité sort toujours contente de ces lieux. |
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Que si la passion où l'intérêt nous plonge |
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Fait que quelque client y mène le mensonge, |
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Le mensonge n'y peut imposer à vos yeux, |
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De quelque adresse qu'il se pique. |
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Souffrez ces vérités ; et dans vos soins divers |
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Quittez un peu la république |
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Pour notre prose et pour nos vers. |
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Ce n'est pas assez, monseigneur, de vous dédier en vers
les derniers fruits de nos veilles. Comme il y a un volume
sans poésies (et c'est le plus digne de vous être offert), j'ai
cru que je vous devois confirmer ces hommages en une
langue qui lui convînt. Je vous offre donc encore une fois
les traductions de mon ami, et au nom de leur auteur, et
au mien : car je dispose de ce qui est à lui, comme s'il étoit
à moi-même. Il ne s'agit pas ici seulement des suffrages
que vous nous pouvez procurer à l'un et à l'autre, mais
de ceux qu'on ne peut refuser sans injustice à des chefs-
d'œuvre de l'antiquité. De la façon que le traducteur les a
rendus, il vous sera facile d'y remarquer trois différents
caractères, tous trois si beaux qu'en tout l'empire de l'élo-
quence, lequel est d'une si grande étendue, il n'y en a point
qu'on leur puisse comparer. Ils méritent également que l'on
les admire ; et c'est ce qui me semble de merveilleux, quoi-
qu'on sache que l'éloquence a trouvé le secret de plane
sous mille formes. Le mot de plaire ne dit pas assez ; Pla-
ton, Démosthène et Cicéron vont bien au delà ; ils enlè-
veront toujours les esprits, bien que ces grands hommes
n'aient pas chez nous les avantages qu'ils avoient en ces
heureux siècles où ils ont vécu, et quoique peut-être le
goût du nôtre soit différent. De déterminer précisément qui
des trois le doit emporter, je ne le crois pas possible ; y a-
t-il quelqu'un d'assez hardi pour juger entre eux de la pré-
férence ? Vous protégerez, je n'en doute point, le travail de
mon ami, en faveur de ces trois grands noms, et à cause
de son mérite particulier. Je vous demande la même grâce
pour mes ouvrages. Vous ne nous refuserez pas quelques
moments d'application, après que vous aurez rempli vos
devoirs pour les intérêts de Sa Majesté et de la justice.
Jamais la dignité que vous exercez n'a été le commun lien
de ces deux puissances avec plus d'utilité pour le public,
ni plus de sujet de satisfaction pour le prince. Cette matière
est si ample, et vous fuyez les éloges avec tant de soin,
que je ne m'engageroi point dans le vôtre, et me conten-
teroi de vous assurer que je suis, etc.
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