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LFT_3/LFT364
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES I
1658-1694
ODES
ODE VI
POUR LA PAIX
Loin de nous, fureurs homicides, 8
Et toi, démon, qui leur présides, 8
Va, clans le fond du Nord, séjour des aquilons, 12
Mendier une retraite : 7
5 Nos bergers, dans ces vallons, 7
Contant leur peine secrète, 7
Désormais ne seront plus 7
Par ton bruit interrompus. 7
Déjà la déesse Astrée, 7
10 Par toute cette contrée, 7
Reconnoît ses derniers pas 7
Encore empreints sur la terre : 7
Comme elle nous quitta les derniers ici-bas, 12
Ses temples dans nos États 7
15 Ne se sont point sentis des suites de la guerre. 12
Elle ne change point cette fois de séjour, 12
Car l'Olympe est partout où Louis tient sa cour. 12
Fleuve, qui la revois, va-t'en dire à Neptune 12
Que tout est calme parmi nous. 8
20 Mars a quitté ces lieux ; d'autres démons plus doux 12
S'en vont courir les mers et tenter la fortune. 12
On ne verra nos matelots 8
Combattre, à l'avenir, que les vents et les flots. 12
Louis nous rend la paix : son bras et sa conduite 12
25 Aux yeux de l'univers ont assez éclaté, 12
Et l'Envie à la fin pleure d'être réduite 12
A connoître aussi sa bonté ! 8
Ainsi disoit Acanthe, et le dieu de la Seine, 12
Que l'horreur des combats retenoit sous les eaux, 12
30 N'osant le croire qu'avec peine, 8
Sortit du fond de ses roseaux 8
Pour écouter cette nouvelle. 8
Toutes ses nymphes, accourant 8
Auprès d'Acanthe, et l'entourant : 8
35 Contez-nous, lui dit la plus belle. 8
Ce fruit inespéré des armes de Louis. 12
Acanthe satisfit en ces mots l'immortelle ; 12
Zéphire étoit présent, et les ayant ouïs, 12
Il m'en fit le récit fidèle. 8
40 O nymphe, il faut vous accorder 8
Ce que votre troupe souhaite ; 8
C'est à moi d'obéir, à vous de commander. 12
Sachez donc que Bellone, impuissante et muette, 12
Souffre que ses enfants tâchent de la bannir : 12
45 Celle dont les faveurs ont ennobli la France, 12
Se laisse ôter toute espérance 8
D'y pouvoir jamais revenir. 8
Louis consent qu'elle nous quitte ; 8
Elle lui dit en vain que bientôt ses exploits 12
50 A l'un et l'autre Rhin auront joint sous ses lois 12
Les deux ceintures d'Amphitrite. 8
Il eût pu tenter ces projets, 8
Mais le repos de ses sujets, 8
Celui de ses voisins, les soupirs de l'Europe, 12
55 Ont à la fois changé l'objet de ses désirs ; 12
Et la savante Calliope 8
Ne nous chantera plus que jeux et que plaisirs. 12
Acanthe en eût dit davantage, 8
Mais on cessa de l'écouter. 8
60 Les nymphes, aux transports se laissant emporter, 12
Du doux nom de la paix remplirent leur rivage. 12
Toutes plaçoient déjà Louis entre les dieux ; 12
Elles croyoient que de ces lieux 8
A la fin Bellone exilée, 8
65 D'alarmes pour toujours nous avoit garantis. 12
Telle éclata la joie, aux noces de Pelée, 12
Chez les suivantes de Thétis. 8
Acanthe alla porter l'allégresse au Parnasse ; 12
Il trouva dans ses bois les doctes nourrissons 12
70 Occupés encore aux chansons 8
Que chérit le dieu de la Thrace. 8
Ils disoient qu'un de ses rivaux, 8
Un conquérant, par ses travaux, 8
Alloit sous son pouvoir ranger la terre entière : 12
75 Adoucissez, dit Acanthe, vos voix ; 10
Chantez la paix donnée aussi bien, tant d'exploits 12
Sont une trop ample matière. 8
Et, vous, divinités, à qui je dois les vers 12
Qui de jeux et d'amours ont rempli l'univers, 12
80 Si j'ai toujours suivi votre troupe immortelle, 12
Faites qu'étant épris d'une nouvelle ardeur, 12
Je chante de Louis, non toute la grandeur, 12
Votre voix y suffiroit-elle ? 8
Vous-mêmes pourriez-vous d'un si rapide cours, 12
85 De victoire en victoire, à ce Mars de nos jours, 12
Accommoder vos sons ? Non, déesses, ma lyre 12
N'a point ce but, et je n'aspire 8
Qu'à chanter une paix, digne de plus d'autels 12
Que les combats des immortels. 8
90 Le dieu des vers sourit. C'est aux savantes fées 12
D'en être seules les Orphées, 8
Non aux hommes, dit-il. Je t'apprends que ton roi 12
Fera plus pour son nom que ses pareils ni toi. 12
La paix couronnera l'ouvrage de la guerre, 12
95 Et, comme Jupiter, ton prince fera voir 12
Qu'il sait par des bienfaits exercer son pouvoir, 12
Aussi bien qu'user du tonnerre. 8
L'univers va changer ! L'avenir m'est caché, 12
Ou le temps des beaux-arts s'est enfin rapproché ; 12
100 Ils refleuriront tous : on verra, dans les nues, 12
D'autres Louvres, cherchant des routes inconnues, 12
Toucher de leur sommet la demeure des dieux. 12
J'évoquerai pour le théâtre 8
Les grands morts, grands sujets dont je suis idolâtre, 12
105 Tandis que, d'autre part, d'un soin laborieux, 12
Par l'ordre de Louis, cent traducteurs célèbres 12
Tireront du sein des ténèbres 8
Ce que Rome et la Grèce ont produit de plus beau : 12
Homère et ses enfants, ressortis du tombeau, 12
110 Vont éterniser votre empire. 8
Tout deviendra françois : Louis le veut ainsi. 12
Apollon t'annonce ceci, 8
Va chez les mortels le redire 8
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