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LFT_2/LFT275
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE DEUXIÈME 1667 — 1669
XII
L’ANNEAU D’HANS GARVEL
CONTE TIRÉ DE RABELAIS
Hans Carvel prit, sur ses vieux ans, 8
Femme jeune en toute manière : 8
Il prit aussi soucis cuisants ; 8
Car l’un sans l’autre ne va guère. 8
5 Babeau (c’est la jeune femelle, 8
Fille du bailli Concordat) 8
Fut du bon poil, ardente et belle, 8
Et propre à l’amoureux combat. 8
Carvel, craignant de sa nature 8
10 Le cocuage et les railleurs, 8
Alléguoit à la créature 8
Et la Légende et l’Écriture, 8
Et tous les livres les meilleurs ; 8
Blâmoit les visites secrètes ; 8
15 Frondoit l’attirail des coquettes, 8
Et contre un monde de recettes 8
Et de moyens de plaire aux yeux, 8
Invectivoit tout de son mieux. 8
À tous ces discours la galande 8
20 Ne s’arrêtoit aucunement, 8
Et de sermons n’étoit friande, 8
À moins qu’ils fussent d’un amant. 8
Cela faisoit que le bon sire 8
Me savoit tantôt plus qu’y dire : 8
25 Eût voulu souvent être mort. 8
Il eut pourtant, dans son martyre, 8
Quelques moments de réconfort : 8
L’histoire en est très-véritable. 8
Une nuit qu’ayant tenu table, 8
30 Et bu force bon vin nouveau, 8
Carvel ronfloit près de Babeau, 8
Il lui fit avis que le diable 8
Lui mettoit au doigt un anneau ; 8
Qu’il lui disoit : « Je sais la peine 8
35 Qui te tourmente et qui te gêne, 8
Carvel, j’ai pitié de ton cas : 8
Tiens cette bague, et ne la lâches ; 8
Car, tandis qu’au doigt tu l’auras, 8
Ce que tu crains, point ne seras, 8
40 Point ne seras, sans que le saches. 8
— Trop ne puis vous remercier, 8
Dit Carvel ; la faveur est grande : 8
Monsieur Satan, Dieu vous le rende ! 8
Grand merci, monsieur l’aumônier ! » 8
45 Là-dessus, achevant son somme, 8
Et les yeux encore aggravés, 8
Il se trouva que le bon homme 8
Avoit le doigt où vous savez. 8
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