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LFT_2/LFT268
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE DEUXIÈME 1667 — 1669
V
L’ORAISON DE SAINT JULIEN
NOUVELLE TIRÉE DE BOCCACE
Beaucoup de gens ont une ferme foi 10
Pour les brevets, oraisons et paroles : 10
Je me ris d’eux ; et je tiens, quant à moi, 10
Que tous tels sorts sont recettes frivoles : 10
5 Frivoles sont, c’est sans difficulté. 10
Bien est-il vrai qu’auprès d’une beauté 10
Paroles ont des vertus nonpareilles ; 10
Paroles font en amour des merveilles : 10
Tout cœur se laisse à ce charme amollir. 10
10 De tels brevets je veux bien me servir ; 10
Des autres, non. Voici pourtant un conte 10
Où l’oraison de monsieur saint Julien 10
À Renaud d’Ast produisit un grand bien. 10
S’il ne l’eût dite, il eût trouvé mécompte 10
15 À son argent, et mal passé la nuit. 10
Il s’en alloit devers Château-Guillaume, 10
Quand trois quidams (bonnes gens, et sans bruit, 10
Ce lui sembloit, tels qu’en tout un royaume 10
Il n’auroit cru trois aussi gens de bien) ; 10
20 Quand n’ayant, dis-je, aucun soupçon de rien, 10
Ces trois quidams, tout pleins de courtoisie, 10
Après l’abord, et l’ayant salué 10
Fort humblement : « Si notre compagnie, 10
Lui dirent-ils, vous pouvoit être à gré, 10
25 Et qu’il vous plût achever cette traite 10
Avec que nous, ce nous seroit honneur. 10
En voyageant, plus la troupe est complète, 10
Mieux elle vaut, c’est toujours le meilleur. 10
Tant de brigands infestent la province, 10
30 Que l’on ne sait à quoi songe le prince 10
De le souffrir. Mais, quoi ! les mal-vivants 10
Seront toujours. » Renaud dit à ces gens, 10
Que volontiers. Une lieue étant faite, 10
Eux discourant, pour tromper le chemin, 10
35 De chose et d’autre, ils tombèrent enfin 10
Sur ce qu’on dit de la vertu secrète 10
De certains mots, caractères, brevets, 10
Dont les aucuns ont de très-bons effets ; 10
Comme de faire aux insectes la guerre, 10
40 Charmer les loups, conjurer le tonnerre, 10
Ainsi du reste ; où, sans pact ni demi 10
(De quoi l’on soit pour le moins averti), 10
L’on se guérit, l’on guérit sa monture, 10
Soit du farcin, soit de la mémarchure, 10
45 L’on fait souvent ce qu’un bon médecin 10
Ne sauroit faire avec tout son latin. 10
Ces survenants, de mainte expérience, 10
Se vantoient tous ; et Renaud, en silence, 10
Les écoutoit « Mais, vous, ce lui dit-on, 10
50 Savez-vous point aussi quelque oraison ? 10
— De tels secrets, dit-il, je ne me pique, 10
Comme homme simple et qui vis à l’antique. 10
Bien vous dirai qu’en allant par chemin, 10
J’ai certains mots que je dis au matin, 10
55 Dessous le nom d’oraison ou d’antienne 10
De saint Julien, afin qu’il ne m’avienne 10
De mal gîter ; et j’ai même éprouvé, 10
Qu’en y manquant, cela m’est arrivé. 10
J’y manque peu : c’est un mal que j’évite 10
60 Par-dessus tous, et que je crains autant. 10
— Et ce matin, monsieur, l’avez-vous dite ? 10
Lui repartit l’un des trois en riant. 10
— Oui, dit Renaud. — Or bien, répliqua l’autre, 10
Gageons un peu quel sera le meilleur, 10
65 Pour ce jourd’hui, de mon gîte ou du vôtre ? » 10
Il faisoit lors un froid plein de rigueur ; 10
La nuit de plus étoit fort approchante, 10
Et la couchée encore assez distante. 10
Renaud reprit : « Peut-être, ainsi que moi, 10
70 Vous servez-vous de ces mots en voyage ? 10
— Point, lui dit l’autre ; et vous jure ma foi, 10
Qu’invoquer saints n’est pas trop mon usage : 10
Mais si je perds, je le pratiquerai. 10
— En ce cas-là, volontiers gagerai, 10
75 Reprit Renaud, et j’y mettrais ma vie, 10
Pourvu qu’alliez en quelque hôtellerie ; 10
Car je n’ai là nulle maison d’ami. 10
Mous mettrons donc cette clause au pari, 10
Poursuivit-il, si l’avez agréable : 10
80 C’est la raison. « L’autre lui répondit ; 10
J’en suis d’accord ; et gage votre habit, 10
Votre cheval, la bourse au préalable ; 10
Sûr de gagner, comme vous allez voir, » 10
Renaud dès lors put bien s’apercevoir 10
85 Que son cheval avoit changé d’étable. 10
Mais quel remède ? En côtoyant un bois, 10
Le parieur, ayant changé de voix : 10
« Çà, descendez, dit-il, mon gentilhomme ; 10
Votre oraison vous fera bon besoin ; 10
90 Château-Guillaume est encore un peu loin. » 10
Fallut descendre. Ils lui prirent, en somme, 10
Chapeau, casaque, habit, bourse et cheval, 10
Bottes aussi, « Vous n’aurez tant de mal 10
D’aller à pied ? » lui dirent les perfides. 10
95 Puis, de chemin (sans qu’ils prissent de guides) 10
Changeant tous trois, ils furent aussitôt 10
Perdus de vue ; et le pauvre Renaud, 10
En caleçons, en chausses, en chemise, 10
Mouillé, fangeux, ayant au nez la bise, 10
100 Va tout dolent, et craint avec raison 10
Qu’il n’ait, ce coup, malgré son oraison, 10
Très-mauvais gîte ; hormis qu’en sa valise 10
Il espéroit : car il est à noter, 10
Qu’un sien valet, contraint de s’arrêter 10
105 Pour faire mettre un fer à sa monture, 10
Devoit le joindre. Or il ne le lit pas, 10
Et ce fut là le pis de l’aventure : 10
Le drôle, ayant vu de loin tout le cas 10
(Comme valets souvent ne valent guères), 10
110 Prend à côté, pourvoit à ses affaires, 10
Laisse son maître, à travers champs s’enfuit, 10
Donne des deux, gagne devant la nuit 10
Château-Guillaume, et dans l’hôtellerie 10
La plus fameuse, enfin la mieux fournie, 10
115 Attend Renaud près d’un foyer ardent, 10
Et fait tirer du meilleur cependant. 10
Son maître étoit jusqu’au cou dans les boues ; 10
Pour en sortir, avoit fort à tirer. 10
Il acheva de se désespérer, 10
120 Lorsque la neige, en lui donnant aux joues, 10
Vint à flocons, et le vent, qui fouettoit. 10
Au prix du mal que le pauvre homme avoit, 10
Gens que l’on pend sont sur des lits de roses. 10
Le sort se plaît à dispenser les choses 10
125 De la façon ; c’est tout mal pu tout bien : 10
Dans ses faveurs, il n’a point de mesures : 10
Dans son courroux, de même, il n’omet rien 10
Pour nous mater : témoin les aventures 10
Qu’eut cette nuit Renaud, qui n’arriva 10
130 Qu’une heure après qu’on eut fermé la porte 10
Du pied du mur, enfin, il s’approcha ; 10
Dire comment, je n’en sais pas la sorte. 10
Son bon destin, par un très-grand hasard, 10
Lui fit trouver une petite avance 10
135 Qu’avoit un toit ; et ce toit faisoit part 10
D’une maison voisine du rempart. 10
Renaud, ravi de ce peu d’allégeance, 10
Se met dessous. Un bonheur, comme on dit, 10
Me vient point seul. Quatre ou cinq brins de paille 10
140 Se rencontrant, Renaud les étendit. 10
« Dieu soit loué ! dit-il, voilà mon lit. » 10
Pendant cela, le mauvais temps l’assaille 10
De toutes parts : il n’en peut presque plus. 10
Transi de froid, immobile et perclus, 10
145 Au désespoir bientôt il s’abandonne, 10
Claque des dents, se plaint, tremble et frissonne 10
Si hautement, que, quelqu’un l’entendit. 10
Ce quelqu’un là, c’étoit une servante ; 10
Et sa maîtresse, une veuve galante 10
150 Qui demeuroit au logis que j’ai dit ; 10
Pleine d’appas, jeune, et de bonne grâce. 10
Certain marquis, gouverneur de la place, 10
L’entretenoit : et, de peur d’être vu, 10
Troublé, distrait, enfin interrompu, 10
155 Dans son commerce au logis de la dame, 10
Il se rendoit souvent chez cette femme 10
Par une porte aboutissante aux champs ; 10
Alloit, venoit, sans que ceux de la ville 10
En, sussent rien, non pas même ses gens. 10
160 Je m’en étonne ; et tout plaisir tranquille 10
N’est d’ordinaire un plaisir de marquis : 10
Plus il est su, plus il leur semble exquis. 10
Or il avint que la même soirée 10
Où notre Job, sur la paille étendu, 10
165 Tenoit déjà sa fin tout assurée, 10
Monsieur étoit de madame attendu, 10
Le souper prêt, la chambre bien parée ; 10
Bons restaurants, champignons et ragoûts, 10
Bains et parfums, matelas blancs et mous, 10
170 Vins du coucher ; toute l’artillerie 10
De Cupidon, non pas le langoureux, 10
Mais celui-là qui n’a fait en sa vie 10
Que de bons tours, le patron des heureux, 10
Des jouissants. Étant donc la donzelle 10
175 Prête à bien faire, avint que le marquis 10
Ne put venir. Elle en reçut l’avis 10
Par un sien page : et de cela la belle 10
Se consola : tel étoit leur marché. 10
Renaud y gagne ; il ne fut écouté 10
180 Plus d’un moment, que, pleine de bonté, 10
Cette servante, et confite en tendresse, 10
Par aventure, autant que sa maîtresse, 10
Dit à la veuve : « Un pauvre souffreteux 10
Se plaint là-bas ; le froid est rigoureux ; 10
185 Il peut mourir : vous plaît-il pas, madame, 10
Qu’en quelque coin l’on le mette à couvert ? 10
— Oui, je le veux, répondit cette femme. 10
Ce galetas, qui de rien ne nous sert, 10
Lui viendra bien ; dessus quelque couchette 10
190 Vous lui mettrez un peu de paille nette ; 10
Et là-dedans il faudra l’enfermer : 10
De nos reliefs vous le ferez souper 10
Auparavant, puis l’envoirez coucher, » 10
Sans cet arrêt, c’étoit fait de la vie 10
195 Du bon Renaud. On ouvre ; il remercie, 10
Dit qu’on l’avait retiré du tombeau, 10
Conte son cas, reprend force et courage : 10
Il étoit grand, bien fait, beau personnage, 10
Ne sembloit même homme en amour nouveau, 10
200 Quoiqu’il fût jeune. Au reste, il avoit honte 10
De sa misère et de sa nudité : 10
L’Amour est nu, mais il n’est pas crotté. 10
Renaud dedans, la chambrière monte, 10
Et va conter le tout de point en point. 10
205 La dame dit : « Regardez si j’ai point 10
Quelque habit d’homme encor dans mon armoire ? 10
Car feu monsieur en doit avoir laissé. 10
— Vous en avez, j’en ai bonne mémoire. » 10
Dit la servante. Elle eut bientôt trouvé 10
210 Le vrai ballot. Pour plus d’honnêteté, 10
La dame, ayant appris la qualité 10
De Renaud d’Ast (car il s’étoit nommé), 10
Dit qu’on le mît au bain chauffé pour elle. 10
Cela fut fait ; il ne se fit prier. 10
215 On le parfume, avant que l’habiller. 10
Il monte en haut, et fait à la donzelle 10
Son compliment, comme homme bien appris. 10
On sert enfin le souper du marquis. 10
Renaud mangea tout ainsi qu’un autre homme ; 10
220 Même un peu mieux, la chronique le dit : 10
On peut à moins gagner de l’appétit. 10
Quant à la veuve, elle ne fit, en somme, 10
Que regarder, témoignant son désir ; 10
Soit que déjà l’attente du plaisir 10
225 L’eût disposée, ou soit par sympathie, 10
Ou que la mine ou bien le procédé 10
De Renaud d’Ast eussent son cœur touché. 10
De tous côtés se trouvant assaillie, 10
Elle se rend aux semonces d’Amour. 10
230 « Quand je ferai, disoit-elle, ce tour, 10
Qui l’ira dire ? il n’y va rien du nôtre : 10
Si le mari est quelque peu trompé, 10
Il le mérite, et doit l’avoir gagné 10
Ou gagnera ; car c’est un bon apôtre. 10
235 Homme pour homme, et péché pour péché, 10
Autant me vaut celui-ci que cet autre, » 10
Renaud n’étoit si neuf, qu’il ne vît bien. 10
Que l’oraison de monsieur saint Julien 10
Feroit effet, et qu’il auroit bon gîte. 10
240 Lui hors de table, on dessert au plus vite. 10
Les voilà seuls, et, pour le faire court, 10
En beau début. La dame s’étoit mise 10
En un habit à donner de l’amour. 10
La négligence, à mon gré si requise, 10
245 Pour cette fois fut sa dame d’atour : 10
Point de clinquant ; jupe simple et modeste : 10
Ajustement moins superbe que leste ; 10
Un mouchoir noir, de deux grands doigts trop cour ; 10
Sous ce mouchoir no sais quoi fait au tour : 10
250 Par là Renaud s’imagina le reste. 10
Mot n’en dirai ; mais je n’omettrai point 10
Qu’elle était jeune, agréable et touchante, 10
Blanche surtout, et de taille avenante, 10
Trop ni trop peu de chair et d’embonpoint. 10
255 À cet objet, qui n’eût eu l’âme émue ? 10
Qui n’eût aimé ? qui n’eût eu des désirs ? 10
Un philosophe, un marbre, une statue, 10
Auroient senti comme nous ces plaisirs. 10
Elle commence à parler la première, 10
260 Et fait si bien, que Renaud s’enhardit. 10
Il ne savoit comme entrer en matière ; 10
Mais, pour l’aider, la marchande lui dit ; 10
« Vous rappelez en moi la souvenance 10
D’un qui s’est vu mon unique souci ; 10
265 Plus je vous vois, plus je crois voir aussi 10
L’air et le port, les yeux, la remembrance 10
De mon époux : que Dieu lui fasse paix ! 10
Voilà sa bouche, et voilà tous ses traits. » 10
Renaud reprit : « Ce m’est beaucoup de gloire. 10
270 Mais vous, madame, à qui ressemblez-vous ? 10
À nul objet ; et je n’ai point mémoire 10
D’en avoir vu qui m’ait semblé si doux. 10
Nulle beauté n’approche de la vôtre. 10
Or me voici, d’un mal, chu dans un autre ! 10
275 Je transissois : je bride maintenant. 10
Lequel vaut mieux ? » La belle, l’arrêtant, 10
S’humilia, pour être contredite : 10
C’est une adresse, à mon sens, non petite. 10
Renaud poursuit, louant par le menu 10
280 Tout ce qu’il voit, tout ce qu’il n’a point vu, 10
Et qu’il verrait volontiers, si la belle 10
Plus que de droit ne se montroit cruelle. 10
« Pour vous louer, comme vous méritez, 10
Ajouta-t-il, et marquer les beautés 10
285 Dont j’ai la vue avec le cœur frappée 10
(Car près de vous l’un et l’autre s’ensuit), 10
Il faut un siècle, et je n’ai qu’une nuit, 10
Qui pourrait être encor mieux occupée. » 10
Elle sourit ; il n’en fallut pas plus. 10
290 Renaud laissa les discours superflus : 10
Le temps est cher en amour comme en guerre 10
Homme mortel ne s’est vu sur la terre 10
De plus heureux ; car nul point n’y manquoit. 10
On résista tout autant qu’il falloit, 10
295 Ni plus ni moins, ainsi que chaque belle 10
Sait pratiquer, pucelle ou non pucelle. 10
Au demeurant, je n’ai pas entrepris 10
De raconter tout ce qu’il obtint d’elle ; 10
Menu détail, baisers donnés et pris, 10
300 La petite oie, enfin ce qu’on appelle, 10
En bon françois, les préludes d’amour ; 10
Car l’un et l’autre y savoient plus d’un tour. 10
Au souvenir de l’état misérable 10
Où s’étoit vu le pauvre voyageur, 10
305 On lui faisoit toujours quelque faveur. 10
« Voilà, disoit la veuve charitable, 10
Pour le chemin ; voici pour les brigands ; 10
Puis pour la peur, puis pour le mauvais temps ! » 10
Tant, que le tout pièce à pièce s’efface. 10
310 Qui ne voudrait se racquitter ainsi ? 10
Conclusion, que Renaud, sur la place, 10
Obtint le don d’amoureuse merci. 10
Les d’eux propos recommencent ensuite, 10
Puis les baisers, et puis la noix confite. 10
315 On se coucha. La dame, ne voulant 10
Qu’il s’allât mettre au lit de sa servante, 10
Le mit au sien ; ce fut fait prudemment, 10
En femme sage, en personne galante. 10
Je n’ai pas su ce qu’étant dans le lit 10
320 Ils avoient fait ; mais, comme avec l’habit 10
On met à part certain reste de honte, 10
Apparemment le meilleur de ce conte 10
Entre deux draps pour Renaud se passa : 10
Là, plus à plein, il se récompensa 10
325 Du mal souffert, de la perte arrivée. 10
De quoi s’étant la veuve bien trouvée, 10
Il fut prié de la venir revoir, 10
Mais en secret, car il falloit pourvoir 10
Au gouverneur. La belle, non contente 10
330 De ces faveurs, étala son argent. 10
Renaud n’en prit qu’une somme bastante 10
Pour regagner son logis promptement. 10
Il s’en va droit à cette hôtellerie 10
Où son valet étoit encore au lit. 10
335 Renaud le rosse, et puis change d’habit, 10
Ayant trouvé sa valise garnie. 10
Pour le combler, son bon destin voulut 10
Qu’on attrapât les quidams ce jour même. 10
Incontinent chez le juge il courut. 10
340 Il faut user de diligence extrême 10
En pareil cas ; car le greffe tient bon, 10
Quand une fois il est saisi des choses ; 10
C’est proprement la caverne au lion : 10
Rien n’en revient ; là les mains ne sont closes 10
345 Pour recevoir ; mais pour rendre, trop bien : 10
Fin celui-là, qui n’y laisse du sien. 10
Le procès fait, une belle potence, 10
À trois côtés, fut mise en plein marché : 10
L’un des quidams harangua l’assistance 10
350 Au nom de tous ; et le trio branché 10
Mourut contrit et fort bien confessé. 10
Après cela, doutez de la puissance 10
Des oraisons ! dira quelqu’un de ceux 10
Dont j’ai parlé : trois gens, par-devers eux, 10
355 Ont un roussin et nombre de pistoles. 10
Qui n’auroit cru ces gens-là fort chanceux ? 10
Aussi, font-ils florès et caprioles, 10
(Mauvais présage), et tout gais et joyeux 10
Sont sur le point de partir leur chevance, 10
360 Lorsqu’on les vient prier d’une autre danse. 10
En contr’échange, un pauvre malheureux 10
S’en va périr, selon toute apparence, 10
Quand sous la main lui tombe une beauté, 10
Dont un prélat se seroit contenté. 10
365 Il recouvra son argent, son bagage, 10
Et son cheval, et tout son équipage ; 10
Et, grâce à Dieu et monsieur saint Julien 10
Eut une nuit qui ne lui coûta rien. 10
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